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Ce jour-là, on m’aurait fait sauter de surprise, si l’on m’eût rappelé qu’un mois tout juste s’était écoulé depuis l’heure où je l’avais quitté. Au cadran des saisons, peut-être. Au cadran de ma vie, des années.


Dès le seuil, les transformations opérées par la guerre apparaissent.

En temps de paix, les vacances ont pour effet de livrer le Palais de Justice aux ouvriers, qui pendant le mois d’août descellent des dalles et des pierres, et pendant le mois de septembre les remettent en place. A celui qui s’étonnait de l’inutilité de ces travaux, on expliquait leur destination ; ils servaient à épuiser les crédits affectés à l’entretien du Palais et qui auraient risqué d’être diminués à l’exercice suivant au cas où l’exercice écoulé se fût présenté avec des économies.

En septembre 1914, pas d’ouvriers ; mais, spectacle inhabituel, des avocats. J’ai peine à les reconnaître. Ils n’ont pas de robe ; ils portent l’uniforme. Ce sont les mobilisés qui ont été, à raison de leur âge, affectés aux services auxiliaires du Gouvernement de Paris, du ministère de la Guerre, de la Justice militaire. Après quelques serremens de main, quelques propos rapidement échangés, je me rends à notre Grand Quartier, je veux dire au cabinet du bâtonnier : modeste réduit, difficile à trouver pour les profanes, dont l’exiguïté et la simplicité ont toujours paru suffisantes aux occupans successifs, puisque les plus grands et les plus hauts s’en sont accommodés.

Affluence. On semble tenir conseil. Le bâtonnier préside. Car Me Henri Robert est là. Il n’a pas un jour quitté Paris, où il était retenu par son devoir. Il ne s’agissait pas seulement de faire acte de présence pour le bon renom de l’Ordre et pour l’exemple. Il fallait, en outre, par la création ou l’extension de certains services dont je parlerai, mettre l’Ordre des avocats au service de la population parisienne, qui réclamait des conseils et un guide. Il fallait à des infortunes de toutes sortes prêter assistance. Il fallait enfin, si Paris devait subir l’horrible épreuve de l’occupation, trouver à son poste celui qui, par fonction et par état, doit en tout temps et contre toutes les formes de l’oppression personnifier la défense. Ce sera l’honneur de Me Henri Robert d’avoir eu la juste conception des obligations de sa