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une confiance entière son sort, entre vos mains Tout changera de face immédiatement. La guerre ne sera plus une succession d’échecs. L’ordre renaîtra partout. Mais n’attendez pas trop, ou il sera trop tard.

« Le gouvernement actuel n’inspirera de regrets à personne. II est faible, indécis, phraseur, vacillant : on n’en attend plus rien de bon : il est reconnu au-dessous de sa tâche. Il nous faut un gouvernement capable de traiter, si on le peut, ou de soutenir le moral des populations, si la guerre doit se prolonger tout l’hiver, s’il nous faut fatiguer et user un ennemi que nous ne savons pas vaincre, organiser et armer les réserves puissantes qui nous restent encore et donner le temps aux neutres d’agir ; et au hasard, qui joue son rôle dans les affaires de ce monde, de nous venir en aide. Il y aura certainement peu de chances de succès dans cette lutte ; mais si M. de Bismarck nous oblige à aller jusqu’au bout, nous serons bien forcés de marcher. Nous voulions la paix : vous y avez travaillé. M. J. Favre l’a offerte : on l’a refusée. Que faire ? Les désordres de Paris et du Midi ont montré l’indispensable nécessité de rétablir un gouvernement régulier, et, dans ce but, de procéder à des élections : c’est ce qu’il faut exécuter avec ou sans armistice le plus tôt possible. La Chambre verra si elle veut traiter ou si mieux vaut, pendant qu’on y est, souffrir jusqu’au bout et faire de nouveaux efforts pour repousser les Prussiens. Paris aura sans doute dans ce cas d’assez mauvais momens à passer : il ne sera pas facile de le ravitailler, bien que cela ne soit pas impossible ; ses souffrances seront et sont déjà assez grandes, mais après tout, quand Paris serait pendant quelques mois au pain sec et à l’eau, il l’a peut-être mérité et le salut de la France doit passer avant tout.

« Réfléchissez à tout cela, mon cher collègue. Recevez l’assurance... »


« DARU. »