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de nos armées de secours ne dépasse guère 250 000 hommes, ce qui est peu, si l’on en déduit les non-valeurs, si l’on regarde à la qualité des soldats, tous conscrits, et surtout si l’on tient compte de l’incapacité de ceux qui les dirigent...

« La situation me parait donc celle-ci :

« A Paris, du découragement. Certes si on avait vu la province tout entière en armes, si l’on avait vu le Midi comme le Nord et l’Ouest faisant les derniers efforts pour sauver la capitale, l’espérance d’un secours aurait soutenu le moral de la population et fait supporter bien des sacrifices. Mais après la navrante capitulation de Metz, après les folies révolutionnaires demeurées impunies, après les échecs successivement essuyés par suite de fautes manifestes, les illusions se dissipent et, ne sachant plus à quoi se raccrocher, on se laisse aller peu à peu au découragement.

« Vous n’êtes pas, mon cher et illustre collègue, du nombre de ceux que gagnent de telles défaillances. Pour mon compte, je suis loin de croire le mal sans remède. Sans doute on a perdu beaucoup de temps ; on a dissipé maladroitement beaucoup de forces. Je sais bien que nous sommes malades, fort malades. Mais on revient de loin quand le moral se soutient. Nos médecins sont mauvais. La seule conclusion à en tirer, c’est qu’il faut les changer, on, si on ne peut pas les changer, il faut leur adjoindre au moins un ou plusieurs bons docteurs consultans. Vous êtes le premier, le plus renommé de tous. Vous êtes l’homme nécessaire dans la situation présente. Votre patriotisme, votre dévouement vous ont conquis les cœurs de tous vos concitoyens. Vous seul pouvez nous sauver. Si vous étiez à la tête des affaires, vous auriez bien vite mis fin au désordre et organisé nos moyens de défense. Vous rendriez ainsi au pays un signalé service et votre mémoire serait impérissable. Prenez la direction ou mettez-vous à la tête de la délégation de Tours, afin qu’il ne se fasse plus tant de sottises. D’une façon ou de l’autre, dirigez tout. Il y a là pour vous une grande gloire à conquérir. Il faut que vous seul vous commandiez, que vous seul donniez des ordres. Vous jugerez sans doute à propos de vous appuyer sur une assemblée. A mon avis, cette assemblée ne devrait pas être très nombreuse, ne devrait pas être constituante, car il ne s’agit pas de constitution dans un pays envahi. Elle devrait exclusivement s’occuper des moyens de défense. Quoi qu’il en soit, le pays remettra avec