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de science éternelle vers lesquelles je sais que votre esprit se dirige depuis des années ?

« Ne prenez pas la peine de me répondre : vous avez trop à faire. Cependant si quelqu’un me répondait pour vous, faites-moi savoir, je vous prie, par oui ou par non, si vous adoptez les deux jugemens suivans :

« Premier jugement, qui semble appuyé sur les faits et les explique tous :

« M. de Bismarck serait l’un des fourbes les plus méprisables et des plus mauvais scélérats dont l’histoire fasse mention.

« Second jugement, fondé sur une conjecture :

« Le prince royal de Prusse serait un esprit élevé, éclairé, un chrétien, un ami de la paix et du vrai progrès.

« Cher et digne confrère, je vous salue bien affectueusement... !

« A. GRATRY. »


Le comte Daru au même.


Chiffrevast, près Valognes, 30 novembre 1870.

« Mon cher et illustre collègue [1],

« L’opinion à Paris passe brusquement d’un extrême à l’autre. Elle repoussait, il y a un mois à peine, toute pensée de paix, ou l’accueillait du moins avec peu de faveur. Aujourd’hui, les signes de défaillance paraissent se manifester. Les nouvelles vraies et fausses que l’on a répandues ont ébranlé les courages. On a dit que la république rouge était installée à Lyon, la Phocéenne à Marseille, que le Midi était sens dessus dessous ; que Gambetta soufflait le feu partout, s’arrogeait une dictature insolente, que la délégation de Tours entassait fautes sur fautes ; que les préfets, agens aussi stupides qu’odieux, n’étaient plus obéis nulle part ; que le Nord, la Normandie, la Bretagne refusaient de reconnaître un gouvernement inepte et n’armaient pas dans la crainte de se sacrifier inutilement. De là l’affaissement des esprits. Il y a du vrai dans ces nouvelles : il y a aussi beaucoup d’exagération. La vérité est que le désordre est grand et que l’on a semé malheureusement les germes d’une guerre civile qui pourra bien éclater plus tard. La vérité est que l’effectif

  1. M. Thiers a écrit au des : « Lettre curieuse, répondu. »