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venant de la France nouvelle après les désastres inouïs du passé et venant d’Orléans, rappellerait les anciens souvenirs nationaux et réveillerait le patriotisme. D’autre part, la publication des cadres des nouvelles armées de Paris où l’entourage militaire de l’empereur Alexandre affectait de ne voir distinctement, à travers la personnalité honorable du général Trochu, que des Flourens et des Millière, a causé ici un bon effet. Il y avait donc des généraux pour de vrai en dehors de ceux tombés à Sedan ou à Metz ! Tout va donc dépendre aujourd’hui des événemens militaires et de l’attitude que prendra l’Europe vis-à-vis de la dénonciation du traité de 1856.

« J’ai vu hier la note anglaise qui a été remise avant-hier au prince Gortchakow. Elle ne me paraît pas bien méchante. L’Autriche en fera sans doute une aussi. Mais, au fond, que veut et que peut faire l’Europe de durable sans nous ? Jusqu’à présent, il me semble qu’elle n’a jamais su s’entendre que contre nous, mais qu’elle est impuissante à créer en dehors de nous. Il nous est bien permis d’avoir quelque présomption quand nous voyons ce qui se passe et de dire que, lorsque le grand ressort est détraqué, les aiguilles ne peuvent plus concorder ensemble. A défaut de meilleure vengeance, ce sera la nôtre. Si la guerre dure encore longtemps, il me parait probable qu’il n’y aura plus d’autre politique que celle des convoitises individuelles avec des entr’actes. Du reste, c’est celle qui a moralement prévalu depuis l’écrasement du Danemark et dont nous portons la peine aujourd’hui, sans espoir de nous en relever complètement jusqu’à ce que les deux grandes agglomérations nouvelles sorties de ce désordre, le germanisme et le slavisme, s’entre-choquent dans une lutte suprême d’où j’espère que nous serons assez habiles pour faire sortir de nouveau le règne de la justice et du bon sens.

« Mais, en laissant de côté l’avenir, qui n’appartient à personne, et que nous pouvons même rendre plus favorable en améliorant le présent, permettez-moi de me réjouir avec vous de la résistance de Paris. Elle est tout bonnement admirable. Elle sauve notre honneur. C’est à vous, Monsieur, qu’on la doit : nous ne devrons jamais l’oublier, car dans l’histoire vous aurez eu le double honneur de la protéger matériellement par une enceinte fortifiée, et moralement en demandant à l’Europe de la préserver et de la secourir. Mais cette résistance