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dévouement, de vos sacrifices, de l’exemple que vous nous donnez à tous, cher et vénéré maître, et de joindre à l’expression de ces sentimens celle de ma profonde et respectueuse affection.

« TISSOT. »


Le marquis de Gabriac, chargé d’affaires de France à Saint-Pétersbourg, au même.


Saint-Pétersbourg, 18 novembre 1870.

« Monsieur,

« Je ne voudrais pas laisser achever ce long voyage que vous venez d’entreprendre pour les intérêts de notre pauvre France et dont Saint-Pétersbourg a été une des étapes, sans vous adresser un souvenir de cette capitale où j’ai eu l’honneur de passer avec vous quelques jours qui resteront gravés dans ma mémoire. Nous vous avons suivi, comme tout le monde, avec une émotion bien légitime dans toutes vos haltes, dans la dernière, surtout, celle de Versailles, qui devait être la plus pénible de toutes. Aujourd’hui que je vous vois à Tours, je prends la liberté, d’après votre aimable invitation, de reprendre avec vous, à longue portée, l’entretien dont vous m’aviez permis pendant huit jours d’avoir avec vous l’habitude.

« Depuis votre départ, la situation diplomatique ne s’est pas beaucoup améliorée à notre profit. Il n’en pouvait être autrement. Vous avez sans doute eu connaissance des télégrammes que j’ai adressés au gouvernement provisoire. Le parti allemand, en minorité dans le pays, mais dont vous connaissez la force, a exploité contre nous auprès de l’Empereur des scènes de désordre qui ont eu lieu en France, notamment à Marseille et dans une partie du Midi. On a mis tout au long dans les journaux le compte rendu des tristes scènes de l’Hôtel de ville. D’autre part, la capitulation de Metz nous a naturellement beaucoup nui comme effet moral et, militairement parlant, on en a conclu que, n’ayant plus d’armée régulière à opposer à l’ennemi, notre résistance n’était plus qu’un acte d’obstination inutile. Cependant, j’ai constaté avec une grande joie que notre victoire d’Orléans avait produit beaucoup d’effet. Un homme, qui est cependant d’un orthodoxisme grec irréprochable et même militant, me disait qu’il était convaincu que ce premier succès