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Roquette m’a fidèlement transmis. J’en ai été profondément reconnaissant...

« Ai-je besoin de vous dire avec quelle anxiété et quelle admiration pour votre dévouement j’ai suivi, de loin, les différentes phases de la mission que vous aviez acceptée et que vous seul pouviez remplir, précisément parce que le succès en était jugé d’avance impossible ? Perdue en présence des exigences prévues de la Prusse, la cause que vous avez plaidée a été gagnée pour nous auprès de l’opinion publique. Vous seul, encore une fois, pouviez faire une victoire de cet insuccès. Telle est l’impression que je constate autour de moi, et c’est à vous, en somme, que nous devons le mouvement si marqué, depuis quelques jours, qui nous absout de nos fautes passées pour condamner exclusivement les ambitions de l’Allemagne pour lesquelles, naguère encore, l’Angleterre avait une si étrange indulgence.. Je suis convaincu, d’ailleurs, et tout le monde ici partage cet espoir, que vos entretiens avec M. de Bismarck n’auront pas été stériles : la graine de la paix a été semée.

« Lord Granville nous promet d’agir de nouveau auprès du Cabinet de Berlin et il ne fait, en ceci, que céder aux vœux de l’opinion publique anglaise, de plus en plus contraire à la prolongation de cette épouvantable guerre. Au fond de ces sympathies que l’Angleterre nous témoigne, il y a, assurément, le sentiment très égoïste des dangers qui la menacent ; peu importe : l’essentiel est qu’elle comprenne aujourd’hui ces périls qu’elle a si longtemps niés. L’arrogance germanique y a contribué plus encore peut-être que nos désastres. La presse allemande réclame déjà Héligoland comme la clé de la mer du Nord. Quant à la Hollande, elle sera appelée à faire partie du Zollverein, en attendant qu’elle occupe, bon gré mal gré, la place qui l’attend déjà dans la confédération allemande.

a Telles sont les conséquences les plus prochaines et l’on en entrevoit d’autres dans un avenir plus ou moins éloigné. « Tout ceci, me disait hier M. Otway, le sous-secrétaire d’Etat pour les Affaires étrangères, finira par une coalition européenne contre l’Allemagne ! » — « Je l’espère bien, lui ai-je répondu, mais que les membres de cette future coalition fassent en sorte que nous puissions y jouer le rôle auquel nous avons droit ! »

« Laissez-moi, avant de finir cette lettre déjà trop longue, vous remercier encore une fois de votre abnégation, de votre