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intentionnés, mais très incapables, portent le désordre dans tous les services publics et jettent l’effroi dans les populations qu’ils veulent animer. C’est une confusion et un découragement universels.

« Dès lors, quand Paris tombera (et à moins d’un miracle, cette chute est inévitable), ce qui arrivera est infaillible. Le gouvernement actuel tombera lui-même dans le désastre, soit sous les coups de ses amis extrêmes, soit sous le poids de son impuissance. Il disparaîtra dans la mêlée, et le roi de Prusse, en possession de notre capitale, et ne trouvant aucune espèce de gouvernement devant lui, sera plus maître de la France qu’aucun conquérant depuis Alaric n’a été maître d’aucun pays.

« Force lui sera, pour trouver avec qui traiter, de créer un gouvernement lui-même et il en formera un, n’en doutez pas, car on trouve toujours un Stanislas-Auguste pour prendre une couronne, à charge de démembrer un Etat. Il dictera ses conditions à volonté à ce gouvernement de sa façon et en assurera l’accomplissement et le maintien de son œuvre par une occupation prolongée.

« Voilà la fin de notre histoire, fin certaine, à moins que Dieu, par un prodige de miséricorde, ne donne à Gambetta le génie du premier Bonaparte ou ne fasse sortir Bazaine de ses fers.

« A cette horrible situation, je ne vois qu’une sorte de remède, c’est qu’avant que la chute de Paris soit consommée, une Assemblée soit convoquée pour délibérer spécialement sur la continuation de la guerre ou la conclusion de la paix. C’est une question sur laquelle le pays a le droit d’être consulté et une telle Assemblée peut seule relever Jules Favre et son gouvernement de ce qu’il y a de trop absolu dans le terrain sur lequel ils se sont placés. Avec une telle Assemblée, également, le vainqueur, quelle que soit son insolence, sera pourtant obligé de traiter. Sans doute, sa mission serait pénible et presque humiliante ; mais tout vaut mieux pourtant que l’extrémité de tenir de la générosité seule du vainqueur, avec les débris de notre territoire, la personne de notre souverain et la forme de nos institutions.

« Quant à l’idée que, Paris vaincu, on pourrait encore continuer la lutte, vous connaissez trop la France pour vous en