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quatre jours de suite, la dépêche espagnole, dont le roi de Prusse était l’inspirateur, a été communiquée, et M. Ollivier, qui venait de la recevoir chez M. de Gramont en accourut fou de joie à la Chambre et, dans le débordement de cette joie, il l’a laissé lire à tous les journalistes, boursiers, etc. Si la dépêche avait pu être définitivement acceptée, le mal n’eût pas été bien grand, mais le parti de la guerre, qui était le parti bonapartiste, n’espérant reprendre son ascendant que par la guerre, a poussé des cris de rage en voyant la querelle prête à s’éteindre. A la tête de ce parti se trouvait le maréchal Lebœuf, brave homme, excellent soldat, ivre d’ambition et politique fort léger. Tous les bonapartistes se sont mis derrière lui et ont fait retentir dans le Cabinet des cris de fureur. C’est une question de savoir si l’Empereur n’a pas été plus entraîné qu’entraineur. Toujours est-il que les pacifiques, qui étaient en majorité et avaient Ollivier à leur tête, se sont laissé intimider et on a convenu de demander au roi de Prusse des engagemens personnels afin de l’humilier : on le disait tout haut.

« J’ai vu les ministres après le funeste conseil qui a été tenu mardi, je crois (12 juillet). Je leur ai dit qu’ils venaient de commettre une grande faute en ne se déclarant pas satisfaits, et que la guerre redevenait probable. Ils m’ont juré leurs grands dieux qu’ils seraient prudens, c’est-à-dire peu exigeans. Pendant ce temps, j’ai fait une vraie campagne auprès des gens du Centre. Cent au moins m’ont déclaré que si je leur donnais le signal de la paix, ils me suivraient. Il y en a un bon nombre qui sont venus me dire : Prenez le pouvoir, nous sommes deux cents qui vous soutiendrons : on ne peut pas laisser le pouvoir dans de telles mains. Vous devinez la réponse que j’ai faite et j’ai toujours insisté pour qu’on se bornât à avoir la paix pour but essentiel. Je n’ai pas trouvé une seule objection, sauf chez les bonapartistes que, du reste, je ne hantais guère. Le mercredi 13, on a remis les explications dernières à vendredi 15. J’ai vu, revu les ministres, et plusieurs m’ont déclaré, à moi parlant, qu’ils donneraient leur démission plutôt que de prendre la responsabilité de la guerre. Plichon, Chevandier me l’ont promis.

« Vendredi, tout a changé de face. Le Cabinet divisé était près de se rompre lorsqu’une faute du roi de Prusse, fait inexplicable, est venue fournir un prétexte à toutes les