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n’avaient pas voulu empêcher le mal à son origine, vouloir maintenant en précipiter les conséquences, au risque de les rendre définitivement mortelles. Voici, du reste, le récit de cette odieuse déclaration de guerre.

« J’ai toujours pensé que les fautes de 1866 étaient irréparables, car il y avait bien peu de chances de défaire la Prusse de quelque manière qu’on s’y prit. Mais j’ai toujours cru qu’il y aurait un jour où on pourrait l’essayer avec chance d’y réussir, et ce jour était celui où la Prusse reprendrait le cours de ses usurpations. Alors, les Allemands du Sud, envahis par elle, se jetteraient dans nos bras ; l’Autriche ne pourrait plus hésiter et l’Angleterre serait moralement avec nous. Dans ces conditions, avec notre armée tenue sur un bon pied, on pourrait peut-être refaire l’ancienne Confédération germanique ou prendre sur le Rhin des garanties territoriales. Mais toute guerre, avant que la Prusse ne commit une nouvelle usurpation matérielle, me semblait une folie.

« Dès que l’incident Hohenzollern s’est produit, j’ai commencé une campagne des plus actives pour prévenir la guerre. ; J’avais ménagé le ministère en vue des élections futures, n’ayant, du reste, rien à faire de lui pour ce qui me concernait. Le danger de guerre venu, je me suis applaudi de ménagemens qui pouvaient devenir fructueux dans une occasion capitale. Vous avez chanté trop haut, leur ai-je dit ; mais enfin, avec de la conduite, on peut réparer cette fausse note du début. La Prusse s’est mise dans son tort, et on pourra le lui faire payer par un gros échec. L’Angleterre va se mettre à l’œuvre pour empêcher la guerre : tout le monde l’y aidera, et la Prusse sera obligée de retirer son candidat. Ce sera un gros désagrément, un véritable échec, et il faudra s’en contenter. Si vous allez au delà, les amours-propres seront mis en jeu, et je regarde la guerre comme inévitable. Cette guerre peut être malheureuse, malgré la vigueur de l’armée française, et il ne faut pas en courir le danger. Quant au désir naturel de défaire Sadowa, il faut le mettre de côté et le remettre au jour des futures et inévitables usurpations de la Prusse.

« On m’a dit que j’avais raison, mais que malheureusement on ne croyait pas pouvoir obtenir le sacrifice du Hohenzollern. J’ai répliqué qu’on l’obtiendrait, mais qu’il fallait s’en contenter.

« Le lendemain même de ce dialogue reproduit trois ou