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antique, Andromède sera délivrée de ses chaînes et elle apparaîtra dans sa noble et éclatante nudité. Il fallait, sans doute, cette épreuve, pour qu’un fonds d’instincts destructeurs et d’ancestrales barbaries fût nettoyé. Ce grand cataclysme prépare une magnifique rénovation. Elle se fera par la raison au nom de la justice. Ce mysticisme, le vrai, celui pour lequel périssent tant de braves gens, couvrira de son prosélytisme la terre entière.

Les documens diplomatiques eux-mêmes tirent leur argument de la loi morale. Le président de la République américaine s’exprime en ces termes : « J’estime comme un devoir de prévenir l’Allemagne que, à moins qu’elle n’abandonne sa guerre de terreur et de crimes, le gouvernement des États-Unis devra rompre avec elle ses relations. »

« Guerre de terreur et de crimes, » voilà le nom dont la guerre allemande sera flétrie dans l’histoire. Le verdict est prononcé. Le président Wilson a parlé au nom de l’humanité tout entière. C’est le sus à la bête, à la bête qui a rompu « la loi de la jungle, » la loi des sociétés humaines.

Il fallait que le problème fût posé, une fois encore, dans les termes les plus larges et dans une catastrophe qui ébranle la planète : barbarie ou civilisation ! Par la science, par l’intelligence, par le courage, par la vertu, la formidable régression nous sera épargnée.

Raison, justice, tels seront les deux facteurs sur lesquels se reconstituera la société des peuples. Aujourd’hui porte demain en ses flancs. C’est pour la liberté et pour la justice, pour ces vieux mythes séculaires, que ces jeunes gens tombent. Leur sang est pur : l’humanité sera, par lui, purifiée.


GABRIEL HANOTAUX.