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PROVOST (G.-L.), capitaine au 281e d’infanterie : a été atteint, le 22 septembre, d’une balle qui lui a traversé la poitrine en lui fracturant l’épaule pendant qu’il faisait exécuter un bond en avant à sa compagnie ; est resté debout, continuant à la diriger pendant trois quarts d’heure ; puis, ayant perdu beaucoup de sang, est tombé évanoui. Revenu à lui, s’est relevé et a repris le commandement de son unité ; ne s’est rendu au poste de secours que sur le commandement de son chef de bataillon. Évacué sur une voiture, en est descendu pour laisser sa place à un soldat qui lui paraissait plus atteint que lui, et a parcouru ensuite 10 kilomètres à pied, malgré une forte hémorragie, pour se rendre au convoi sanitaire.


N’est-ce pas, à la fois, toutes les formes du courage et de la vertu ?

Encore une fois, chez tous ces peuples engagés dans la lutte, il en est ainsi. J’ose dire cependant que la France offre le plus remarquable exemple de beauté collective : cette race s’est retrouvée elle-même. Verdun flambera sur l’horizon de l’histoire comme un volcan d’honneur. Certes les soldats allemands sont pleins de courage : ils marchent en rangs serrés au-devant de la mitraille. Mais le soldat français, qui a tenu, avec des moyens inférieurs, contre une ruée préparée de longue main, le soldat français qui arrêta l’avalanche au revers de la pente et alors qu’elle battait les murs de la ville, est incomparable ; cette ténacité, cet élan, cette endurance sous le feu, dans la tourmente et dans la mort, voilà vraiment la conduite d’une grande armée et d’un grand peuple, voilà qui rassemble et qui explique toutes les pages de notre histoire. Comme individu historique, la France s’est maintenue au plus haut rang.

Dans le monde entier l’exemple rayonnera. D’ailleurs, nous avons convoqué l’univers sur notre territoire pour nous grandir encore de son secours et de sa confiance. Indiens, Africains, Australiens, tous remporteront dans leur pays, comme nos amis les Anglais et les Belges, comme nos alliés les Russes, l’image ineffaçable de ce qu’ils ont vu sur ce sol trois fois sacré. « Passant, va dire à Sparte... » Ces Thermopyles de la civilisation seront un lieu de pèlerinage pour le genre humain délivré. Les souvenirs et les leçons resplendiront pendant des siècles sur ces collines épiques.


L’enseignement moral de Verdun est grand à jamais. Mais il est quelque chose de plus surprenant : c’est l’assaut qui fut donné consciemment à la loi morale par le cynisme allemand.