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aussi parce que le devoir du service militaire universel est devenu pour nous le moyen d’éducation qui donne à notre jeunesse l’agilité physique et la fidélité au devoir, même en temps de paix <ref> Von Bülow. Le militarisme et la culture intellectuelle allemande. — Wilhelm Wundt, Die Nationen und ihre Philosophie. Leipzig. 1915. Cités par A. Van Gennep, p. 42. </ef>. »

Voilà le système.

Eh bien ! nous sommes prêts à accepter de cette leçon ce qui doit être retenu. La guerre actuelle oppose les deux principes : on jugera, à ses résultats, quelle dose d’autorité, — mais aussi quelle dose de liberté, — conviennent aux peuples modernes pour accomplir leur tâche et maintenir la cause de la civilisation.

Dès maintenant, il est certain que l’organisation et le militarisme n’ont pas apporté au peuple allemand la supériorité incontestée qu’ils lui avaient promise. Le magister s’est trompé. La guerre n’a pas été cette promenade aisée que le militarisme se promettait ; elle se prolonge et atteint le peuple allemand dans les racines de son être. Au point de vue civil, « l’organisation » de l’alimentation n’a été qu’une cascade d’erreurs : on tue les cochons parce qu’il n’y a pas de pommes de terre et on jette les pommes de terre parce qu’il n’y a plus de cochons.

Par contre, le libéralisme désordonné à tendance anarchiste, l’individualisme à outrance a dévoilé aussi ses faiblesses. Surpris dans ses berquinades pacifistes, il doit convenir qu’il ne suffit pas de se faire mouton pour supprimer les loups.

Nous ne sommes pas encore en mesure de donner les résultats de la cruelle expérience que le monde fait en ce moment. Mais il est probable que l’immense appareil que la guerre a mis en mouvement trouvera sa règle rien qu’à la façon dont il se comportera : une fois de plus, la fonction créera l’organe. L’armée victorieuse, qui sera une « nation armée, » deviendra sans doute l’image de la future société.

Une discipline acceptée et volontaire, un but unique, une tâche commune, l’esprit de devoir et l’esprit de sacrifice, l’ordre et la règle avec l’abnégation et le dévouement, telles seront les bases probables de la future société, qui sera comme le prolongement de l’organisme incomparable qui l’aura fondée. Le peuple armé aura pour fils le peuple organisé.