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qui caractérise cette période, c’est l’émiettement et la localisation de la souveraineté. Chaque région, chaque province, chaque district s’isole de la région, de la province et du district voisins : chaque famille, et l’on pourrait dire parfois, dans chaque famille, chaque individu fait de même. » L’Etat est un miroir brisé.

Mais après de longs siècles, le bénéfice du système s’épuise, et les maux qu’il cause deviennent insupportables : le particularisme féodal et communal apparaît impuissant, et odieux. On réclame le retour à la règle ancienne. Le monde a besoin d’une discipline et, d’un mouvement unanime et spontané, il réclame du pouvoir la restauration du pouvoir : d’où l’essor de l’Etat moderne, et, en France particulièrement, de la Royauté. Toujours, dans les grands désordres, l’Etat grandit... Et voici que, de nos jours, le même problème est posé. Plus particulièrement dans le domaine économique, l’autorité de l’Etat s’est trouvée débordée. On a usé et abusé des commodités et des tolérances de l’individualisme. Le capitalisme s’est constitué en puissance déréglée. Les grandes compagnies, les puissantes coopérations ont créé un nouveau genre de féodalisme, — des Etats dans l’Etat. Et ce désordre eut pour effet, direct ou indirect, l’anarchisme.

Eh bien ! la tendance nouvelle est de rendre à l’autorité sociale la maîtrise que les conjurations particulières lui ont dérobée.

L’Allemagne, Etat nouveau, adaptant plus facilement son outillage aux besoins modernes, représente, dans ce sens, un type plus avancé : elle a senti se préciser en elle la tendance vers l’universelle organisation ; elle devient la puissance initiatrice de l’étatisme moderne dans l’ordre militaire, politique et économique : elle ne crée pas, mais elle applique. Le résultat est cette mécanisation de la vie publique, qui a fait le jumelage des disciplines nouvelles avec les instincts de proie de la race : « Le peuple allemand tout entier, ouvriers, professeurs, agriculteurs, commerçans et industriels, est unanime à déclarer : Sans le militarisme, point de culture intellectuelle allemande... » « Non, nous ne suivrons pas le bon conseil que nous donnent nos ennemis de nous débarrasser de notre militarisme. Nous en aurons toujours besoin, non seulement peur nous protéger sur terre et sur mer et garantir la paix, mais