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ni par des provocations d’amis, etc., etc. » On se laissait forcer la main.

Jamais le monde, jamais l’histoire ne comprendront que l’Allemagne par complaisance, et sans y être portée par ses intérêts vitaux, ait précipité le monde dans une telle guerre, — et de telle conséquence — pour seconder le caprice orgueilleux de la bureaucratie viennoise voulant accabler une petite puissance libre, la Serbie, et qu’elle se soit laissé ainsi entraîner par les provocations de ses dangereux amis.

La faute et les raisons de la faute sont maintenant en pleine lumière : une politique mondiale, fille de la vanité, fille de l’orgueil, s’est abandonnée, par complaisance et par aveuglement, aux vrais instincts de la race au lieu de les contenir et de les refréner. Le dilemme absurde proclamé par les professeurs et les militaires : politique mondiale ou décadence, a été souscrit par les diplomates et les chefs d’Etat. Peu à peu, on s’habitua à l’idée que l’Allemagne était la maîtresse du monde et qu’elle pouvait tout se permettre.

D’autre part, les Alliés nécessaires, indispensables, abusent de ce vertige : eux aussi ont leurs appétits et leurs ambitions à satisfaire ; l’expansion kaiserlich répond à l’ambition impérialiste. La politique mondiale, — ainsi que son nom l’exprime, — menace l’univers. La guerre devient la seule pensée et la seule issue : « Nous devons nous souvenir que nous ne pouvons sous aucun prétexte, éviter la guerre à laquelle nous sommes contraints par notre situation mondiale et qu’il ne convient nullement de la retarder outre mesure, mais, au contraire, de la provoquer dans les conditions les plus favorables. »

Tout est clair, tout est logique, tout se tient.

Cette guerre avec ses surprises, ses violences, ses abominations, les régressions qu’elle entraine, ne fait que réaliser le naturel, le passé et l’enivrement d’une race : c’est un prodigieux phénomène d’auto-suggestion par l’orgueil et dans l’outrance.

Doctrine de puissance, négation du droit international, rupture déclarée avec le reste du monde, anéantissement des faibles et des désarmés, tout le système est essentiellement allemand ; pour préciser encore, il est « allemand moderne, » allemand de la « culture, » allemand « Guillaume II. » C’est, non seulement le retour aux vieux instincts barbares, mais le dernier cri du style berlinois et munichois.