Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/748

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« rat de terre » se faisait « rat d’eau. » La politique, dont Bismarck avait, d’avance, signalé les périls, était inaugurée. Et elle s’ouvrait, comme il l’avait prévu encore, sous les auspices de l’orgueil et de la vanité. La fameuse formule : « Notre empire est sur les eaux » est de 1900.

Après avoir marqué les origines, le chancelier du coup de Tanger insiste sur le caractère nouveau du système : c’est ici qu’il revendique franchement son brevet d’invention et d’originalité : « Dans le riche trésor de notions politiques que nous a légués le prince de Bismarck, nous ne trouvons nulle part, pour nos tâches de politique mondiale, les principes généraux qu’il a fixés pour un grand nombre d’éventualités possibles dans notre vie nationale. C’est en vain que nous cherchons dans les résolutions de sa politique pratique une justification pour les décisions que notre tâche mondiale nous oblige à prendre... Dans le discours du 14 novembre 1906, j’insistais sur ce point que les successeurs de Bismarck ne devaient pas être ses imitateurs, mais ses continuateurs (p. 28). »

Les dates étant fixées et le caractère nettement déterminé, l’auteur développe les raisons de la politique mondiale : accroissement de la population, insuffisance des subsistances, rivalité avec les autres nations, et surtout volonté de puissance et sentiment d’orgueil : « L’Allemagne entend n’être pas traitée dans le monde comme quantité négligeable (p. 102). » La cause est entendue : on sait jusqu’où ces farouches erreurs ont porté le peuple qui en fut la dupe et l’Europe qui en est la victime. Mais, chose remarquable, ceux qui s’y abandonnaient avaient, jusqu’à un certain point, conscience de leur égarement : en effet, le prince de Bülow signale le double danger du changement de système, danger qui, en fait, devait se révéler même avant que l’auteur eût mis la dernière main à son ouvrage : 1° l’Allemagne assume la responsabilité de la rupture de l’équilibre dans le monde ; 2° l’Allemagne sera contrainte de faire la part de son alliée, l’Autriche, et ainsi elle sera directement responsable de la rupture d’équilibre dans la politique européenne. Avec la perspicacité des ministres disgraciés, il dénonce d’avance, à son tour, la faute de ses successeurs :

« Le couronnement de notre puissance militaire par la création de la flotte n’a d’autre signification qu’une augmentation et un renforcement de cette garantie de paix, pour peu que