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Bernhardi de la diplomatie : son livre La politique allemande ne laisse aucune place au doute ni aux atténuations.

Par une anecdote, qui parait bien un peu arrangée, il essaie de mettre le système nouveau sous le couvert du grand nom de Bismarck : il raconte que le directeur d’une des compagnies de navigation allemandes, le fameux Ballin, conduisit un jour Bismarck octogénaire à bord d’un des transatlantiques de la ligne Hambourg-Amérique. Bismarck n’avait jamais vu un bateau de dimensions pareilles. Il s’arrêta, jeta un long regard sur le port et aurait dit enfin : « Vous me voyez saisi et remué. Oui, voilà un temps nouveau, — un monde tout à fait nouveau ! » Et de ce dire bien anodin, on conclut que « l’œil pénétrant du génie reconnaissait les nouveaux devoirs de l’Empire allemand dans la politique mondiale. »

En vérité, Bülow est trop fier de son rôle pour en attribuer la gloire à un rival, fût-ce l’illustre protecteur de ses premiers pas. Il se vante d’avoir vu plus loin et plus juste que qui que ce soit. Il précise, il donne les faits, les dates, les raisons qui inaugurent en Allemagne la politique d’expansion à outrance. Puisqu’il est mieux renseigné que personne, il faut l’en croire.

« Rendre possible la création d’une flotte suffisante était la première et grande tâche de la politique allemande post-bismarckienne, tâche immédiate devant laquelle je me vis placé moi-même, lorsque, le 28 juin 1897, à Kiel, à la même date et au même endroit où, douze ans plus tard, je demandai mon congé (voilà le bout de l’oreille du mécontent), je fus chargé par Sa Majesté l’Empereur de la direction des Affaires étrangères. »

Le 28 mars 1897, le Reichstag avait, en troisième lecture, adopté les propositions de la commission du budget, propositions qui comportaient des réductions considérables sur les demandes du gouvernement relatives aux arméniens maritimes et aux constructions navales nouvelles ou de remplacement. Après avoir nommé secrétaire d’Etat de la marine un homme de premier ordre, de Tirpitz, le gouvernement publia, le 27 novembre 1897, un nouveau projet de loi navale, dont le préambule s’exprimait ainsi : « Il s’agit de créer, dans un délai déterminé, une marine de guerre d’un effectif et d’une puissance suffisans pour assurer la protection efficace des intérêts maritimes de l’Empire. »

Tirpitz, une flotte de guerre, des intérêts maritimes, — le