Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/744

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les doctrines ne font pas défaut. Ivre de ses victoires, l’Allemagne sentait, dans la force de son bras, le plus convaincant commentaire de la doctrine de la « volonté de puissance : » « Vous aimerez la paix comme un moyen de guerres nouvelles, — et la courte paix mieux que la longue. — Je ne vous conseille pas la paix, mais la victoire. — Une bonne cause, dites-vous, sanctifie même la guerre ; moi je vous dis : c’est la bonne guerre qui sanctifie toute cause... » Ainsi parlait Zarathoustra !

Treitschke avait jeté les bases de la doctrine de la force fondement du droit et le créant précisément parce qu’elle lui est antagoniste : « Il ne convient pas à des Allemands de répéter les lieux communs des apôtres de la paix ou des prêtres du veau d’or, ni de fermer les yeux devant les nécessités cruelles de notre époque. Oui, notre époque est une époque de guerre, un âge de fer. Que les forts l’emportent sur les faibles, c’est la loi inexorable de la vie. » Les petits Etats furent nominativement inscrits sur la liste des prochaines victimes : le sort du Luxembourg, de la Belgique, sans parler de la Hollande, était d’avance réglé. Le reste viendrait par surcroit. La « politique mondiale » était déchaînée.

Dès lors, c’est la rupture déclarée avec la foi des traités, avec la validité des engagemens internationaux. Le long effort de l’humanité pour faire de la guerre un droit et imposer à la guerre le droit, cet acquis si péniblement amassé et si fragile que les plénipotentiaires de La Haye avaient tenté de cristalliser, l’œuvre de la philosophie, l’œuvre de la religion, tout fut remis en question.

Le cri de l’ivresse orgueilleuse donne le ton aux relations entre les hommes. L’Allemagne doit dominer l’Univers. Pour cela, elle recourra aux armes : « Puissance mondiale ou décadence ! » Voilà la véritable déclaration de guerre. « Cette lutte étant nécessaire, inévitable, nous devons l’affronter coûte que coûte... Aujourd’hui, nous sommes à la veille d’une décision plus importante (qu’en 1871). Voulons-nous nous élever à la hauteur d’une Puissance mondiale, nous maintenir à cette hauteur, ou bien voulons-nous tomber au triple point de vue politique, économique et national voilà le fond de la question : « Être ou ne pas être, » tel est le dilemme qui se pose à nous aujourd’hui. »

Donc, guerre à la France, guerre à l’Angleterre, guerre