Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/740

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gœthe ! Ces arrangement, dans ce qu’ils ont de factice, d’arbitraire, de captieux, révèlent le caractère du germanisme.

L’Allemagne, féconde et troublée, ne se sent jamais à l’aise dans ses limites : privée de larges ouvertures sur la mer, obstruée par le réseau désharmonique de ses montagnes intérieures, disloquée par le cours de ses fleuves divergens, elle est portée tantôt vers l’une, tantôt vers l’autre de ses frontières, et elle ne trouve d’aucun côté des appuis solides fixés par la nature. Cette vaste prison à une race vagabonde parait encore trop étroite ; elle hume l’air des contrées occidentales et méridionales ; elle y sent des parfums plus délicats, un climat plus doux, une joie de vivre qui lui sont refusés. Les pays du soleil lui sont un paradis sur la terre. (Qui n’a vu les Allemands débarquer par trains bondés sur la côte d’Azur, au temps du carnaval de Nice, ne peut comprendre tout à fait cet émerveillement !) Ils désirent, ils envient.

Cependant, l’Allemagne est toujours, comme on disait au XVIe siècle, « la matrice des peuples. » Les jeunes tribus s’amassent dans son sein. L’aventure les attire : les vastes plaines s’ouvrent devant elles. Elles partent. Et c’est toujours la même tentation, toujours la même entreprise, toujours le même échec et toujours les pareils et tristes retours jusqu’à de nouveaux recommencemens.

La population allemande n’a pas accepté son lot. Elle veut autre chose que ce qu’elle a : tantôt c’est l’Italie, tantôt c’est la France, tantôt ce sont les Balkans, et puis ce sont les colonies, et puis c’est la mer : « Notre empire est sur les eaux ! »

La tradition, l’histoire, tous les témoignages et toutes les preuves établissent que l’essence du Germanisme, c’est la conquête, ou, pour parler plus exactement, l’invasion. Germanisme, Pangermanisme, c’est tout un : seulement, les horizons se sont élargis et on a conçu l’idée de la conquête du monde. Bernhardi et Bülow concluent dans les mêmes termes : « ou l’hégémonie planétaire ou la décadence. » A la marée qui déborde, il n’y a plus de bornes. « Il faut que le monde soit victime du Germanisme pour que le Germanisme soit vrai. » (Lote.)

Mais, ainsi, nous sommes ramenés à la guerre et à la violence : le Germanisme en état de conquête, c’est l’Impérialisme !