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aussi au concours d’une femme dévouée que le rapport s’abstient de désigner, mais que savent nommer les membres de l’assemblée, qui témoignent le désir que leurs sentimens de gratitude soient exprimés à Mme F. Buloz. »

Pourtant, le rapport ne mentionne pas le fait suivant : craignant un moment que la Revue ne fût visitée par les émeutiers, Mme F. Buloz prit toutes les sommes qui se trouvaient dans la caisse, — environ 200 000 francs, — les cacha dans la doublure de son jupon, et passa ainsi tranquillement à travers les lignes ennemies, et jusqu’à Versailles, où elle put mettre la caisse de la Revue en sûreté.... Thiers apprit par Rémusat cet exploit, dont il se plut à féliciter la vaillante femme.

Pendant ce temps-là, la Commune faisait rage, et prodiguait avec abondance ses décrets : « Thiers et les ministres accusés, leurs biens séquestrés, le budget des cultes supprimé, les biens des corporations religieuses confisqués, » dit Taine, et aussi : « leurs journaux, notamment la Montagne, demandant la guillotine. » On se battait au début d’avril, et le Mont-Valérien bombardait les insurgés ; à F. Buloz qui voulait reprendre sa place rue Bonaparte, Barthélémy Saint-Hilaire télégraphiait le 3 de Versailles :

« On ne peut plus rentrer à Paris, ni surtout en sortir. Hier et aujourd’hui on s’est battu autour du Mont-Valérien, nous avons eu le dessus, mais ce n’est pas fini. »

Le 24, il lui écrivait :

« Monsieur et cher camarade, car nous avons été ensemble à Louis-le-Grand,

« J’ai lu votre lettre à M. Thiers, qui se prêtera à tout ce que vous désirez, et je vais arranger les choses entre lui et M. Saint-Marc et Vitet... Nos affaires vont beaucoup mieux. La Commune se désorganise à Paris, et Versailles se fortifie de jour en jour. J’espère que nos préparatifs touchent à leur terme, et on va agir avec la dernière rigueur très prochainement. Je crois qu’on peut compter sur le succès, et l’on peut même s’attendre à ce qu’il sera acheté sans trop de sang ; cette semaine ne se passera pas sans une solution au moins partielle.

« M. Thiers va très bien, et je vous souhaiterais une santé comme la sienne [1]. »

  1. Inédite.