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mollement sur le lit de repos de l’ancienne Confédération germanique, se relève comme un phénix sortant de ses cendres et déploie victorieusement ses ailes puissantes... » Ce galimatias achève le pénible panégyrique.

Quant aux données intellectuelles et morales, elles sont dégagées en une page empruntée, en partie, à Treitschke : « Ces deux sœurs (la littérature et la science) créèrent, avec Kant et Fichte, des exigences morales telles qu’aucun peuple n’en avait encore établi de semblables comme règles de conduite et révélèrent, dans le domaine de la poésie, un idéalisme transcendant. Sous l’influence de la colère héroïque de 1813, ce travail intellectuel porta des fruits magnifiques... De cette manière, notre littérature classique, partie de points de vue bien différens, tendit au même but que l’œuvre politique de la monarchie prussienne et des hommes d’action qui, à l’heure du grand désastre, travaillaient pour le progrès [1]. » (Treitschke, I, 90.)

Il était nécessaire de donner ce résumé pour n’altérer en rien le caractère de l’histoire allemande tel qu’il est conçu, en Allemagne, à la veille de la guerre. Un tableau qui forme apothéose fournira le trait final : c’est la rencontre de Napoléon et de Gœthe : « Moment historique que celui où Napoléon et Gœthe se trouvèrent en face l’un de l’autre, — de puissans conquérans tous deux : d’un côté, le fléau de Dieu, le grand destructeur de tout ce qui avait fait son temps, de tout ce qui était arrivé, le sombre despote, la dernière créature de la Révolution, une partie de « cette force qui veut toujours le mal et produit toujours le bien ; » de l’autre, l’Olympien majestueusement grave qui prononça ces mots : « Que l’homme soit noble, charitable et bon, » Gœthe qui, dans son œuvre universelle, montra que le génie allemand embrasse tout ce qui est humain... Face à face avec le plus grand capitaine de son temps, on vit le héros de l’esprit auquel devait appartenir la victoire à venir, en face du représentant le plus puissant du génie latin, le grand Germain qui se tient au faîte de l’humanité. »

Telle est la conclusion : opposer un surhomme allemand à un surhomme latin et accabler Napoléon par la comparaison avec

  1. Bernhardi, p. 60.