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fâcheux défauts du peuple allemand, la manie de vouloir avoir toujours raison et le manque de sens unitaire contribuèrent à compromettre aussi son développement économique... L’activité intellectuelle (?) dégénéra en rudesse »... Et en voilà pour tout le Moyen Age !

Nous arrivons aux temps modernes : les faits ne sont pas plus réconfortans. « Le peuple allemand fut presque anéanti et perdit toute importance politique... » L’âge des découvertes transforme la planète. Quelle est la part de l’Allemagne ? « L’Allemagne resta étrangère à ce formidable mouvement. » L’Europe nouvelle prend conscience d’elle-même au XVIe et au XVIIe siècle ; l’Allemagne est absente, en proie aux horreurs de la guerre de Trente Ans ; elle se détruit elle-même : le sac de Magdebourg fait la main aux destructeurs de Louvain. « L’Angleterre devint la première Puissance coloniale et maritime du monde ; l’Allemagne, en revanche, ne fit rien et sa puissance politique diminua toujours davantage. »

Dans cet exposé à grands traits, l’Autriche disparaît, pour ainsi dire : c’est une parente pauvre et mal mariée : « L’Autriche catholique, grand Etat indépendant issu en quelque sorte de l’Empire, fondait sa puissance non seulement sur sa population de race germanique, mais encore sur les Hongrois et sur les Slaves. » L’Autriche, pourtant, a persévéré, pendant cinq siècles, dans les ambitions de la race. Sa volonté de domination, le dessein poursuivi par elle d’établir un Empire universel est l’effroi de toutes les nations libres de l’Europe. La France est l’énergique adversaire du despotisme autrichien et finit par en avoir raison. Mais, pour Bernhardi, la « véritable Allemagne » n’était pas née. « Enfin, un centre de puissance protestante se forme dans le Nord, la Prusse. » Tout est sauvé ! — Pas encore !.. « Une heure difficile devait sonner, une fois de plus, dans la lente ascension de l’Europe. » Cette heure, c’est Iéna, Mais le nom n’est pas prononcé. Waterloo ne console pas, parce qu’il faudrait rappeler le service rendu par les alliés, Autriche, Russie, Angleterre, tirant la Prusse de l’anéantissement : « La royauté prussienne s’humilia profondément devant l’Autriche et la Russie et parut oublier ses devoirs nationaux. »

Il est temps que cette longue série de jours sombres, qu’est l’histoire d’Allemagne, trouve, enfin, un ciel plus serein. Voici Guillaume Ier et Bismarck : « L’Allemagne, ce géant couché