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Voici encore une lettre de Mme F. Buloz, datée du 2 mars, et concernant l’entrée des Prussiens à Paris : le coup de grâce pour ces assiégés qui avaient enduré tant de souffrances.

« Le traité est ratifié [1]. Cette armée de voleurs a tenu, au prix d’une forteresse, à venir camper dans Paris, qu’ils n’ont pas pu prendre [2]. Hier matin, trente mille hommes sont entrés. On avait établi un vrai parc à moutons sur la rive droite, des Ternes, jusqu’à la place de la Concorde ; le faubourg Saint-Honoré servait de limite d’un côté, la Seine de l’autre. Ce n’était pas sans grand souci que nous avions vu cette clause acceptée. La population était exaspérée, on voulait tirer sur les troupes, se faire tuer, et nous faire bombarder encore une fois, et de plus près ; amener le sac de la ville, l’incendie et enfin toutes les épouvantes. — Ces furies se sont apaisées, l’attitude a été bonne. Depuis hier, Paris a arrêté sa vie. Les maisons sont closes du haut en bas, les boutiques fermées. Le vide s’est fait aux environs du lieu désigné. La satisfaction puérile que les Bismarck se sont donnée tournera à leur honte. C’est un dernier outrage qu’ils ont voulu nous infliger, ce sera le complément, improductif cette fois, des infamies de cette guerre [3]. »


V

Tout était donc fini. Les amis de F. Buloz, sa femme, le pressèrent, dès que les communications furent à peu près rétablies, d’aller prendre un peu de repos ; il se rendit alors dans sa chère Savoie. Mais à peine y était-il arrivé, qu’il apprit que Paris, bouleversé, hélas ! était en proie à une convulsion nouvelle, le gouvernement à Versailles, des barricades à Montmartre, et, dans l’Hôtel de Ville, un gouvernement improvisé : la Commune.

Le 20, la garde nationale et les soldats de l’armée régulière « lâchent pied et laissent faire ; » le 21, « les barricades se multiplient et le désordre est parfait [4]. »

Lorsqu’il apprit ces événemens, F. Buloz, déjà très éprouvé

  1. Par l’Assemblée Nationale le 1er mars 1871.
  2. « Nous avons arraché Belfort qu’on ne voulait pas nous rendre, mais en revanche on nous impose l’humiliation de l’entrée dans Paris. » (Jules Favre.)
  3. Mme F. Buloz à Mme R. Combe. Inédite.
  4. Taine, Correspondance.