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« Le 1er mars, nous subirons l’ennemi à Paris, cette entrée ; le séjour quelque court qu’il soit, est plein de périls.

« Cette nuit, une partie de cette Garde nationale, celle qui est si peu sortie à l’heure où il fallait sortir, est allée attendre en armes les Prussiens, qu’on disait devoir entrer avant le lever du jour. Un conflit terrible est à craindre. Conflit dont nous aurons à supporter les résultats, qui nous vaudra peut-être le pillage et l’incendie, qui sera peut-être aussi le signal d’une lutte où nous aurons la douleur et la honte de voir les Prussiens assister comme témoins ! Que Dieu veuille éviter de nouvelles misères à ce cher pays, qui en a vu et en a supporté de si grandes déjà ! J’ai pourtant la ferme conviction que, quel que soit notre état de détresse, la France a en elle-même des forces vives pour aider à sa régénération. On peut lui ôter son argent et ses forteresses, elle a son génie national qui est hors d’atteinte. »

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« J’ai été bien émue, je vous assure, en lisant avec Charles ce Journal d’un voyageur, où, sans emphase, les sentimens les plus élevés sur les choses présentes sont joints aux impressions de grand’mère... Mon mari, qui ne pouvait lire, suivait ma lecture, il a rectifié deux assertions à propos de M. Jules Favre. M. Favre n’a jamais vu le roi Guillaume ; à part cela, qui regarde l’histoire, tout allait à merveille... »

Le 13 mars, Mme Buloz assurait : « Nous aussi, nous acceptons de préférence à tout cette république de tout le monde, et non celle d’un parti violent, impossible, comme vous le démontrez vous-même. M. Thiers le veut aussi bien que les autres dans ces conditions-là...

« Fasse le ciel qu’on le croie, et qu’on apprécie ses efforts. C’est le tort des républicains, qui n’ont ni l’expérience ni la pratique des affaires, de ne se fier qu’à leurs utopies, et vous montrez admirablement où elles nous ont menés. Dites donc, et redites tout ce que vous avez dans le cœur et la conscience, l’immense autorité de votre parole doit avoir un effet bien salutaire sur l’esprit de ceux qui sont attardés.

« Je vous embrasse ainsi que Mme Lina et les belles petites Aurore et Gabrielle.

« C. BULOZ [1]. »

  1. Collection S. de Lovenjoul. Mme F. Buloz à George Sand, F. 242. Inédite.