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s’adresse à des catholiques, les deux évêques et l’archevêque de Germanie : « Je réponds à cela : le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en vertus. Je réponds à cela par la plainte du prophète au nom de l’Éternel : ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Je réponds que le disciple de Jésus n’est pas celui qui crie : Seigneur ! Seigneur ! mais celui qui fait la volonté du Père céleste. Il y a dans l’Évangile une parabole où il est question d’un homme qui avait deux fils. L’un disait à son père : je veux faire ta volonté. Il alla, et ne la fit pas. L’autre refusait d’obéir ; mais il alla et fit ce que le père lui avait ordonné. Lequel des deux était le vrai fils ? demande Jésus. » Et peut-être ai-je tort de supposer que M. Joergensen n’a pas beaucoup d’attention pour la France...

Il a réfuté l’archevêque de Fribourg, les évêques de Rottenburg et d’Osnabrück ; et, pour se garantir, il a les paroles de l’Évangile. Mais enfin, l’autorité des deux évêques et de l’archevêque ne lui eût-elle aucunement imposé ? Il ne les accuse pas de fraude volontaire. Ces prélats allemands demeurent dans leurs tranquilles et agréables palais épiscopaux, loin de la guerre et, aux heures de repas, « rompent le pain que leur procure un gouvernement protestant : » bref, il ne s’agit pas de les mépriser, ni seulement d’être, à leur égard, trop sévère. Ils ne savent pas ; ou ils ne savent guère. Et, quoiqu’il en soit de l’erreur où leur discernement succombe, il y a un autre prince de l’Église catholique, un évêque, primat du pays des martyrs, qui a vu sa cathédrale tomber sous les obus des Barbares et qui, du milieu des ruines, élève sa voix incontestable. Pour la Noël de l’année 1914, le cardinal archevêque de Malines écrivait : « Lorsque, le 2 août, une Puissance étrangère, confiante dans sa force et oublieuse de la foi des traités, osa menacer notre indépendance, tous les Belges, sans distinction ni de parti, ni de condition, ni d’origine se levèrent comme un seul homme, serrés contre leur Roi et leur gouvernement, pour dire à l’envahisseur : tu ne passeras pas ! Du coup, nous voici résolument consciens de notre patriotisme : c’est qu’il y a en chacun de nous un sentiment plus profond que l’intérêt personnel, que les liens du sang et la poussée des partis ; c’est le besoin et, par suite, la volonté de se dévouer à l’intérêt général, à ce que Rome appelait la Chose publique, res publica ! » Il est impossible de concilier les déclarations de l’archevêque de Malines et les déclarations des prélats allemands. Il faut choisir. Et M. Joergensen a choisi.

Le mandement du cardinal Mercier le mène à des conclusions que voici. La Belgique s’est dressée contre l’envahisseur au nom du droit,