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manifeste. L’année qui a précédé la guerre, M. Joergensen assistait, à Metz, au congrès du Centre allemand. Donc, il était l’ami des catholiques allemands. Par exemple, il était l’ami de l’éminent M. Erzberger, député, l’un des personnages du Centre allemand ; l’ami de ce surprenant bonhomme qui, dans les premiers mois de la guerre, appelait éperdument les chimistes à la rescousse et les suppliait d’inventer une drogue « pour anéantir Londres tout entier. » Londres ? Cela ne suffisait point aux vaillans désirs du très pieux bonhomme : il demandait qu’on eût le moyen de « déverser une pluie de feu sur le sol anglais. » Il ajoutait : « Tous les moyens sont bons ! » Et il s’écriait : « Pas de sentimentalité ! » M. Joergensen semble n’avoir pas lu cet Appel aux chimistes, de son vieil ami le député catholique Erzberger : il n’en fait pas état. Mais, à défaut de l’Appel aux chimistes, qui réconciliait le catholique Erzberger avec l’athée Ostwald, l’Appel au monde civilisé permettait à M. Joergensen de s’instruire. Ce n’est pas un ami de la France et des Alliés qui juge l’Allemagne : c’est un ancien admirateur de l’Allemagne qui revient de son erreur. Et, plutôt encore, c’est un chrétien, que des hypocrites ont déçu.

Il croyait l’Allemagne sincèrement et profondément religieuse.il approuvait que les catholiques fussent « en bonne situation » dans ce pays protestant ; que le gouvernement montrât de la clémence à leur égard, et beaucoup plus que de la clémence, de la sympathie ; et il appréciait, en Guillaume II, le bienfaiteur des bénédictins, hélas ! « tandis que la France persécute le catholicisme, chasse les religieux et les religieuses, enlève la religion des écoles. » Avant de s’être informé, sans doute aurait-il admis volontiers cette parole qu’il prête à l’un de ces Tartufes : « En vérité, il faut être aveugle pour ne pas voir où l’on combat au nom du Christ, et où l’on ne combat pas en son nom ! » Et l’archevêque de Fribourg a dit : « Nombreux sont les ennemis qui nous environnent. Mais nous nous fions à la justice de notre cause et à l’aide de Dieu. » L’évêque d’Osnabrück a dit : « De notre côté est le droit. C’est pourquoi Dieu est aussi de notre côté. Quand Dieu est pour nous, qui peut être contre nous ? » L’évêque de Rottenburg a dit : « Dieu est avec nous, comme il est écrit sur le heaume de notre pieuse armée ; et nos soldats sont les lutteurs de Dieu qui, au nom de Dieu et avec la grâce de Dieu, ont accepté la lourde tâche de la guerre. » Solennelles affirmations de prélats catholiques, et bien dignes d’être colportées : la propagande impériale les a publiées dans tout l’univers catholique ; il est certain qu’elles ont eu de l’influence. Et M. Joergensen réfute, catholique fervent qui