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« atrocités » que les Allemands reprochent à leurs victimes. Certes ! Mais il admire le sincère étonnement des envahisseurs qui s’attendaient qu’on les reçût à bras ouverts ; et il se demande quel droit ont les Allemands à exiger de n’être ni détestés ni méprisés. L’orgueil allemand tourne ici à la fatuité ridicule. M. Joergensen se moque de ces drôles. Puis : « Je ne peux continuer à parler de ces choses avec ironie ! C’est par trop incroyable, ce que les écrivains qui tiennent la plume au nom de l’Allemagne se sont permis de calomnies à l’égard d’un peuple qui, au pire, a combattu pour son pays, pour son foyer, contre un agresseur plus fort. Qu’était-ce donc qu’André Hofer et ses Tyroliens, sinon des francs-tireurs, un peuple en armes pour se défendre à la vie et à la mort ? Leur nom est en honneur ; Hofer est un héros : mais, si les Belges font ce que les Tyroliens ont fait, ce sont des assassins !... » Or, qu’ont-ils fait, ces francs-tireurs et assassins de Belgique ? M. Joergensen examine les racontars connus sous le nom de « preuves allemandes : » il observe que, dans tous les récits allemands, ni les lieux ni les gens ne sont expressément désignés. Dans un village..., un soldat... Quel village ? et quel était le nom du soldat ?... Un monsieur d’Aix-la-Chapelle a été tué... Le nom du monsieur ? sa profession ? son âge ?... « On ne témoigne pas ainsi de la vérité ; on n’apporte même pas ainsi un faux témoignage : il faut un peu plus !... » Les documens belges sont d’une autre qualité : leur exactitude contrôlée est incontestable. Eh bien ! le 3 octobre de l’avant-dernière année, après Surice et Andenne, après Dinant, Tamines, Termonde et Louvain, les Quatre-vingt-treize ont affirmé, sur leur honneur et leur nom, que la Belgique n’avait pas été livrée au meurtre, à l’incendie, à l’indignité : « que sont maintenant leur nom et leur honneur ? »

Quatrièmement, il n’est pas vrai que la rage allemande ait détruit Louvain. Sans doute, nous avons dû, « le cœur navré, » bombarder un quartier de la ville ; mais le célèbre hôtel de ville, nos soldats, « au péril de leur vie, » l’ont préservé des flammes : et, en définitive, si artistes que nous soyons, nous préférons à toute œuvre d’art la victoire allemande ! Et enfin, ces gens de Louvain sont des furieux !... M. Joergensen a passé des mois à Louvain, jadis. Il a connu, très bien connu, ces gens de Louvain, tranquilles comme leur antique cité. Parfois, le soir, des étudians parcouraient les rues, chantant la Brabançonne : et c’était là tout le vacarme de Louvain. Mais, au mois d’août, les étudians sont en vacances ; au mois d’août, lorsque les Allemands arrivèrent, il n’y avait plus à Louvain qu’une population