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Deuxièmement, il n’est pas vrai que l’Allemagne ait violé la neutralité de la Belgique. Cependant ?... Non : la France et l’Angleterre avaient résolu de la violer ; et la Belgique le voulait bien !... Aussitôt, M. Joergensen se souvient de son pays natal : « Nous aussi, en Danemark, nous nous sommes fiés à un paragraphe. Le nôtre était le paragraphe V ; celui des Belges était le paragraphe VII : ils ont une égale valeur pour les Allemands ! » Et il cite les conventions qui ont garanti la neutralité de la Belgique : textes parfaitement précis et qui ne laissent aucune incertitude, aucune occasion de chicane... « Oui, répliquent les Quatre-vingt-treize, nous pouvons aussi étaler notre science ; nous avons toute une bibliothèque où la trouver, soit dans Rivier, soit dans Holtzendorff. Mais, pour citer Méphistophélès, grises, chers amis, sont toutes les théories. Nous savons, messieurs, que la France et l’Angleterre étaient décidées à violer la Belgique et nous savons que la Belgique ne s’opposait pas à la violation. Il en est comme de certaines filles vertueuses qui crient qu’elles ont été outragées ; oui, par celui qu’il ne fallait pas : c’est pourquoi elles sont si scandalisées. Ah ! ah ! ah ! Là-dessus, deux bocks ! Buvons toujours un coup, monsieur le conseiller intime : avec la bière, tout s’explique !... » Et, il n’y a pas longtemps, M. Joergensen avait une autre façon de traiter l’Allemagne, toute pleine, disait-il, de bière et de rêverie. Ces faux rêveurs l’ont déçu ; ces buveurs de bière l’ont offensé. Il a reçu avec indifférence l’Appel des Quatre-vingt-treize ; il a commencé de le lire avec sérénité. Maintenant, il renonce à toute patience : il a vu la fourberie. La fourberie et le sacrilège, quand les orateurs du mensonge intitulé La vérité sur la guerre adressent aux peuples de la terre ce discours : « Écoutez, peuples de la terre. Nous croyons en un Dieu éternel et nous nous fions au jugement des hommes justes et sages !... » Il leur répond : « Malheur à vous, hypocrites et sépulcres blanchis ! Vous jouez la mascarade la plus osée que le monde ait jamais vue. » Il a peine à contenir sa fureur honnête : « Mais tais-toi, mon cœur ; la mesure de leur péché n’est pas encore remplie : les quatre-vingt-treize anges du mensonge n’ont pas encore répandu sur la terre les six coupes de leurs démentis ! »

Troisièmement, il n’est pas vrai que les soldats allemands aient tué des Belges, hors le cas de légitime défense : qui a tiré sur les soldats allemands, qui a mutilé les blessés allemands, qui a tourmenté, massacré les médecins allemands ? la population belge !... M. Joergensen refuse d’admettre la « légitime défense » des envahisseurs. Les documens qu’il a entre les mains l’autorisent à nier les