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des lapins ! Ah ! nos 75 ! Quel bon travail ! Les obus n’éclatent pas. ils visent trop bas ou trop haut. C’est pour ça qu’on est touché aux jambes. »

Ils sont tous sur les quais, pas sages du tout, dévalisant presque les corbeilles de vivres. Et rigolant : « Ah ! si ce n’est que ça, la guerre, pas vrai ! »

A peine trouve-t-on quelques pansemens à consolider. Trop d’infirmières. C’est une foire de rouge et de blanc. La confusion est extrême. On bavarde ! on se bouscule ! C’est un bel après-midi très chaud. Un aéroplane survole la voie comme un épervier, très haut, dans l’air qui danse. Le ciel est poudré d’or. La joie est délirante. ils en reviennent, ceux-là... ils ont vu... ils sont contens... On tes aura ! Noël ! Noël ! — Vive la France ! — Les taches rouges et blanches des costumes grouillent indescriptiblement. Les beaux majors pérorent. Les territoriaux et les blessés se tapent de grands coups sur les cuisses... Il fait bon vivre !

Le lendemain, désagréable constatation : pour six cents blessés on a prodigué deux mille tablettes de chocolat...

LE SERVICE MODÈLE. — A la fin d’une journée de la troisième semaine de guerre, un grand train de douze cents blessés tut annoncé. Il devait rester deux heures garé sur la voie des marchandises.

Tout le long des rails, des postes avaient été aménagés, un pour quatre wagons. Un grand baquet d’eau près d’une potence de bois où pendaient les essuie-mains ; des tréteaux supportant les mannettes pleines de vivres, tartines, chocolat, gruyère, biscuit, jambons, poires et sucre cassé ; mannettes pleines de quarts et de cuillers à soupe ; bidons énormes fumant de bouillon chaud et de café, bidons à grog, à lait, à vin. A chaque secteur, deux messieurs et deux dames auxiliaires.

Deux postes de dames infirmières accompagnant les docteurs à chaque bout du train, munies de leur voilure d’enfant et de leurs bocaux. Un poste central de dames lingères, chargées de serviettes de toilette, de mouchoirs, de chemises, de caleçons, de chaussettes de rechange que l’on avait ordre de distribuer parcimonieusement. Membres du Conseil d’administration circulant d’un bout à l’autre. Boy-scouts, en message continuel de l’infirmerie ou des cuisines aux petits postes. Des prêtres, des aumôniers, des dames visiteuses. Un cordon de territoriaux tout le long de la voie et des grilles d’entrée où la foule palpitante