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UNE AMBULANCE
DE GARE

I

Une ville de France, et même d’Ile-de-France, toute grise, inégale, serrée dans sa large ceinture de boulevards nobles et déserts comme un coin du parc de Versailles, serrée autour de la place montante d’où jaillit, toute grise aussi, silencieuse et la face hautaine, la cathédrale à l’unique tour. La cathédrale, allongée comme un sphinx ou ramassée en fixité farouche ; surveillant un horizon de collines bleuâtres que longe, paresseusement attardée à contourner les prés et les avoines, la rivière luisante et lente sous les fins peupliers des rives.

Une ville de chez nous, gardée par une église de chez nous... Eglises de chez nous, réserves et sources de lumière, revêtues de rayons et d’ombres, et toujours si singulièrement colorées sur les fonds de ciel, qu’elles paraissent elles-mêmes des foyers de nuit ou d’aurore... Eglises de chez nous ! ô fleurs de notre race épanouie, si puissamment enracinées au sol et si hardiment élancées, si sobrement tragiques au-devant de l’orage et si follement chantantes dans l’azur, ô cathédrales de chez nous, symboles de notre âme, de notre âme d’autrefois et de maintenant, en ces heures de calmes volontés, de douleurs surhumaines et d’espoirs infinis ! Telle était cette église, pareille à toutes ses sœurs de France, qui veillait sur la petite ville parée de gentillesse, de quiétude et de douce raison...

Une lourde chaleur. L’air danse en réseaux blancs. Un silence solennel d’avant l’orage, chargé d’angoisse à en mourir.