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les républicains ennemis du dictateur ont profité de l’expérience acquise depuis quatre ans. Il est vrai que la guerre d’Europe qui absorbe les forces des Puissances constituant l’ancien consortium, et qui même a divisé celles-ci, a singulièrement facilité leur tâche.

L’habileté des républicains chinois a été de choisir le moment propice pour partir en guerre contre leur adversaire dont les étais étrangers s’écroulaient sous la poussée des événemens mondiaux, et ainsi la situation actuelle de l’immense Chine est une conséquence directe de la Grande Guerre.

A l’heure actuelle, il est impossible de prévoir le dénouement de cette situation ; mais ce qui parait certain, c’est que l’opposition entre les intérêts japonais et ceux des groupes d’affaires anglo-français, qui exercent une influence prépondérante dans la politique d’Extrême-Orient, rend des plus difficiles la position du personnage qui n’était qu’un instrument, qu’un écran, derrière lequel agissaient certains diplomates. L’instrument défaut, l’écran s’écroule sous le souffle de la révolte actuelle, tandis que la diplomatie japonaise empêche les mains européennes de le relever.

D’un tel état de choses peut sortir une nouvelle disposition des pièces sur l’échiquier diplomatique : une division de la Chine en deux grandes sphères d’influence : le Nord, c’est-à-dire la région située au-dessus du Fleuve Bleu, appartenant à un nouveau groupement russo-japonais qui s’efforcerait de faire prédominer ses vues à Pékin, soit en conservant le dictateur actuel, soit en le remplaçant d’une manière quelconque ; le Sud, comprenant les provinces qui avoisinent notre Indochine et bordent le Pacifique jusqu’au Yangtsé, laissé à l’action des Anglais et des Français. Ce n’est là qu’une hypothèse, mais cette hypothèse n’est pas invraisemblable. Dans tous les cas, sa réalisation ne semble pas devoir contrarier les intérêts politiques français, bien que l’abandon de Pékin à d’autres influences soit susceptible de décevoir les personnalités qui avaient mis leur confiance en Yuen Chekai ou qui avaient associé étroitement leurs intérêts à sa fortune.

Mais si les étrangers peuvent ainsi faire des plans suivant les vieilles méthodes et sans tenir compte d’une évolution historique rapide qui les gêne, ces plans de partage d’influence et de profits pourront-ils s’imposer aux Chinois qui