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tyrannie présidentielle, était, lui aussi, accouru au Yunnan. Tous proclamèrent l’indépendance de la province, divisèrent les troupes en trois colonnes, enrôlèrent des soldats, pour grossir l’armée, qui était d’une soixantaine de mille hommes environ, et se dirigèrent vers le Nord et l’Est, au-devant de l’armée dictatoriale que Pékin devait nécessairement envoyer.

En même temps, les autorités civiles et militaires, les généraux à la tête des troupes lançaient des manifestes, les adressaient à tous les fonctionnaires des autres provinces ; d’anciens gouverneurs des premiers temps de la République les imitèrent, tels que l’ancien toutou de Canton, Tchenn Kiongming. Le langage de ces proclamations exprime sous des formes peu différentes les mêmes idées. Le manifeste de Tang Kiyao débute ainsi :

« Depuis qu’un seul ambitieux et quelques complices ont soulevé la question de la forme du gouvernement, le peuple est dans l’agitation. L’attitude de Yuen lui a valu les avertissemens réitérés de cinq Puissances étrangères. Le gouvernement fait perdre à la Chine son prestige et ses droits souverains. C’est pourquoi tout le peuple demande maintenant la suppression du projet monarchique. »

Les révoltés ne se contentèrent pas d’appeler leurs compatriotes aux armes contre le dictateur, ils s’adressèrent également aux diverses Puissances, qui eurent aussi leur manifeste, envoyé au nom du Gouvernement militaire de l’armée de châtiment du Yunnan, représentant l’armée chinoise. »

« Yuen Chekai, dit ce document, a adhéré au nouveau régime, afin d’arriver à la présidence. Deux fois, avant d’être nommé président, il fit serment, devant la nation et les Puissances étrangères, de rester fidèle à la république et de gouverner selon la Constitution. Malgré ses sermens, il a, pendant son gouvernement, et à plusieurs reprises, gouverné comme si la Constitution n’existait pas... Pendant ces quatre dernières années, il a exercé ses pouvoirs de la façon la plus arbitraire, et il a eu recours aux intrigues..., il a muselé l’opinion, causé la mort de bons citoyens... Il a pressuré le peuple, il l’a sacrifié pour satisfaire son ambition de tyrannie... Sa politique à l’égard des Puissances étrangères a été faite de déceptions et de tromperies, et notre pays a perdu son prestige dans le concert des nations...

« Maintenant, nous sommes forcés de prendre les armes