Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/659

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dictatoriaux en quantité infime ; ce parti, dit républicain, se composait d’anciens fonctionnaires, de mandarins inquiets pour leur situation personnelle compromise par le changement brusque du régime politique ; la plupart de ces hommes n’avaient de républicain que le nom.

Lorsque la politique des Puissances s’affirma, quelques mois avant que la dictature ne fût officiellement consacrée, les progressistes, constatant l’impossibilité de toute action républicaine sérieuse en présence de l’hostilité de la diplomatie étrangère à l’égard du nouveau régime, décidèrent de se rallier au pouvoir personnel de Yuen. Quelle était la sincérité de ce ralliement chez la plupart ? Probablement fort douteuse.

Toutefois, un homme d’une grande valeur intellectuelle, reconnue par tous les Chinois, le fameux lettré Liang Kitchao, animé d’un vif amour pour son pays et qui fut exilé pendant de longues années à la suite de la tentative de réformes de 1898, mit avec ardeur son caractère et son talent au service du gouvernement. Il prit, en fait, la direction du parti progressiste. Mais, après avoir apporté au Président un loyal concours qui se manifesta par ses écrits, il dut, sous la poussée des événemens, revenir de son illusion, et constater, comme il arrive presque toujours en pareil cas, que l’accord entre des modes si différons de concevoir la défense des intérêts publics est finalement impossible. Déçu par le caractère archaïque, par l’impuissance, par l’incapacité administrative du gouvernement de Yuen, il prodigua articles et discours afin de montrer l’impossibilité pour un seul homme de diriger un pays grand comme l’Europe, dont la population représente le quart de l’humanité, et pour faire voir l’abîme où ce système, si contraire à la nature des choses, devait fatalement entraîner le pays. Bien entendu, ces avertissement furent inutiles. En Chine, comme partout, les gens férus des vieilles méthodes et surtout les bénéficiaires de privilèges ferment obstinément les oreilles aux plus sages avertissemens, ils, cèdent à la force, jamais à la raison.

Les républicains modérés, dont Liang Kitchao était le plus éminent et qui, eux aussi, avaient collaboré au renversement de la dynastie mandchoue, parce que celle-ci faisait à l’étranger trop de concessions, devinrent donc peu à peu hostiles au régime nouveau, obligés qu’ils étaient de constater que seul le parti