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chancelleries, hors de tout contrôle d’une opinion publique quelconque, en raison de l’ignorance pour ainsi dire absolue de ces questions par les Européens, se trouva là devant un obstacle qu’elle ne put surmonter ; elle continua donc à différer son projet de restauration monarchique au profit de Yuen Chekai et à ne pas contrarier le Japon.

D’ailleurs, l’opposition de celui-ci n’était que provisoire ; la diplomatie japonaise ne s’était pas engagée à fond : elle se réservait évidemment de pouvoir changer d’avis suivant la tournure des événemens.

Cette attitude parut encore trop molle aux patriotes exaltés, et le comte Okuma, premier ministre, fut l’objet d’un attentat ; le 12 janvier, à onze heures du soir, une bombe fut lancée sur sa voiture par un fanatique, Shimonoura Outamaro, ami intime du meurtrier qui avait, il y a trois ans, à cause des affaires de Chine, poignardé le diplomate M. Abé, et s’était ensuite suicidé. Après cet attentat, on arrêta plusieurs per- sonnes, dont M. Foukouda, un journaliste connu et membre dirigeant de l’Association diplomatique populaire.

De vives attaques eurent lieu à la Chambre des représentans contre le ministère afin que celui-ci ne faiblit pas dans ses négociations et maintint, le point de vue japonais dans la question chinoise.

Aussi, les bruits de l’entrée de la Chine dans l’Entente s’éteignirent-ils peu à peu ; bientôt, la bonne harmonie se rétablit, l’on put entendre des paroles officielles proclamant la solidité de l’alliance anglo-japonaise et la couronne impériale sembla s’éloigner un peu plus de la main de Yuen Chekai, déjà prête à la saisir.


Cette opposition du Japon paraissait être, aux yeux des étrangers en Chine, le seul obstacle sérieux aux projets du dictateur. Pour eux, l’opposition intérieure n’avait pas de portée. Les rapports n’annonçaient-ils pas l’adhésion tacite du pays et l’impossibilité pour les républicains de le soulever de nouveau avec quelques chances de succès ?

Les étrangers étaient ainsi victimes des mêmes illusions et des mêmes préjugés qui leur faisaient croire, en 1911, quelques jours avant la Révolution, à la solidité du régime qu’ils considéraient