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quelques comparses, les électeurs, et finalement, Yuen Chekai fut plébiscité par deux mille voix unanimes. Ainsi se trouvait exprimée l’opinion de quatre cents millions et plus des citoyens en puissance de cet immense pays.

On retrouvait, dans cette simili-élection, le caractère enfantin qui marqua si souvent les finesses et les ruses du monde mandarinat, lorsque celui-ci s’essaya, dans le passé, à lutter contre les Européens.

Les dépêches des agences annoncèrent pourtant avec fracas au monde entier l’élection au trône de Yuen par le peuple chinois, la presse mondiale publia cette importante nouvelle et la diplomatie d’Angleterre, de France, de Russie, d’Italie, qui avait précédemment reconnu, en apparence, la république comme gouvernement légitime, s’apprêta à faire consacrer la destruction de celle-ci au profit du dictateur. La diplomatie américaine se montrait toujours hostile ; celle du Japon se réservait.


En somme, tout semblait devoir marcher à souhait du côté de l’extérieur, car on pensait que, ainsi qu’il était arrivé une première fois, États-Unis et Japon finiraient par se rallier au groupe des autres Puissances. La proclamation du changement d’étiquette n’était plus qu’une question de jours. Le bureau des rites ressuscitait pour cet événement les vieilles cérémonies de l’ancien empire. On s’efforçait même de rendre la vie à la religion officielle qui, depuis de longues années, avait, avant de s’écrouler lors de la révolution, dégénéré en simple formalisme rituel dont toute foi était absente.

La proclamation de la restauration était fixée au mois de février 1916 ; on fit dresser le trône impérial, broder la robe à dragons.

Le premier ministre du Japon, le comte Okuma, venait de faire des déclarations publiques favorables à la monarchie. Cela sembla singulier et inquiétant à ces Asiatiques défians si facilement portés à croire le contraire de ce que l’on dit ; seuls peut-être, les diplomates de race blanche crurent que le Japon allait enfin entrer dans leurs vues.

De son côté, l’Allemagne, en la personne de M. von Hintze, ministre à Pékin, manifestait bruyamment son approbation. Le Kaiser faisait dire à Yuen Chekai qu’il pouvait compter