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rhétorique, la partie concernant spécialement la Chine s’y trouve réduite à fort peu de chose. Visiblement le rédacteur se trouva assez embarrassé pour soutenir sa thèse. Lors de son élection à la présidence, Yuen Chekai n’avait-il pas fait dire, en effet, qu’il entendait être le Washington de la république chinoise ?

L’effet produit par le rapport Goodnow ne répondit pas à l’attente du cabinet présidentiel et il ne convertit personne, surtout dans les cercles américains où l’on remarqua la pauvreté d’argumentation de cet exposé fait par ordre. La situation même de son rédacteur, dépendant étroitement du dictateur, enlevait toute valeur à ses dires ; l’expression d’une opinion a besoin d’indépendance pour inspirer confiance. M. Wilson ne fut nullement convaincu, et il le fit savoir ; quant aux chancelleries, elles n’avaient pas besoin de l’être. D’autre part, le rapport du conseiller américain passa inaperçu auprès du public mondial, absorbé par la grande guerre.

Afin de gagner la bienveillance de celui-ci, le dictateur chinois employa donc un deuxième moyen : l’organisation d’un semblant d’élection destiné à produire au dehors l’illusion de la voix populaire acclamant l’accession au trône de celui qui avait chassé les représentans du peuple librement élus, avait dispersé leurs assemblées et leurs comités.

Il ne pouvait être question de faire des élections régulières et sincères, car le sentiment de toute la partie de la nation qui s’occupe des choses politiques, c’est-à-dire de la classe moyenne et supérieure : commerçans et lettrés, était bien connu ; son hostilité à la dictature et à la personne même du dictateur ne faisait doute pour personne. On reprochait à celui-ci de paralyser toutes les réformes utiles, de faire à l’étranger des concessions humiliantes, de ne penser qu’à satisfaire son ambition et celle de toute la camarilla de dévorans, chinois et étrangers, qui constituent sa clientèle.

On décida donc de faire, selon l’expression des journaux japonais, « une élection d’opéra-comique, » à l’usage du public mondial.

Pour cela, on créa d’abord la Société pour l’organisation de la paix, la Tcheounganhoei, présidée par le bras droit de Yuen, M. Liang Cheu-y ; on fonda quelques journaux spéciaux ; on donna des ordres aux fonctionnaires qui figurèrent, avec