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étage, habitués à évoluer au milieu de la vieille corruption mandarinale, qui ne désirassent voir continuer indéfiniment ce régime.

Telle était la situation avant le mois d’août 1914. Aussi, Yuen Chekai pouvait-il s’avancer d’un pas assuré vers le trône, objet de son ambition, en jetant un regard dédaigneux sur ses adversaires de l’intérieur, redoutables pourtant. Jamais peut-être un tel concours de circonstances favorables ne s’était rencontré dans l’histoire pour, soutenir un semblable projet.


Les étrangers en Chine, ainsi que les milieux diplomatiques, entraînés par leurs préjugés, semblaient croire que le parti républicain, une première fois abattu, ne pourrait jamais se relever.

La difficulté de la langue chinoise, et surtout celle de l’écriture, le caractère idéographique de la représentation des idées dans les livres et les imprimés rendant impossible à presque tous les Européens de suivre le développement de la politique, des erreurs de ce genre sont ordinaires en Extrême-Orient. Déjà, avant, et même pendant la Révolution, les étrangers résidant en Chine s’étaient lourdement trompés sur le caractère des événemens ; il devait en être de même, cette fois encore, au sujet de la restauration monarchique. Cette erreur était d’ailleurs d’autant plus explicable que les républicains, toujours plus nombreux, en Chine même, dissimulaient. Mais ils agissaient dans l’ombre, reconstituaient leurs cadres, attendant le moment propice de combattre de nouveau pour la liberté.

La dictature s’affirmant de plus en plus depuis le coup d’État, quelques impatiens reprenaient, comme dans les derniers temps de l’Empire, la lutte individuelle par les moyens terroristes. De-çà, de-là, des attentats avaient lieu contre les fonctionnaires connus comme les plus dévoués à la cause du dictateur ; des traîtres se glissaient même jusque dans les bureaux de la présidence. La compression produisait sur les militans son effet ordinaire. Tout droit de réunion, toute liberté de presse ayant été abolis, les Sociétés secrètes s’étaient reformées ; la fameuse Tongmong houei, ou Société de l’Union jurée, qui avait joué un si grand rôle dans la préparation et dans le succès du mouvement révolutionnaire de 1911, s’était reconstituée