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Chekai. En réalité, ces assemblées ne fonctionnèrent librement pas même un seul jour et jamais leurs décisions ne furent exécutées.

L’avènement du parti républicain devant être, pour tout ce personnel, le signal de la débâcle, il était assez naturel que des conseils et des bureaux montât aux oreilles de Yuen Chekai comme un écho de la parole du devin : « Tu seras roi ! » Un géomancien quelconque lui avait en effet, dans sa jeunesse, prédit son ascension au trône impérial.

Yuen était d’ailleurs de l’étoffe dans laquelle tous les grands ambitieux sont taillés. On l’avait toujours connu avide de commandement et de pouvoir ; tous ses actes s’étaient inspirés du désir de la domination. Il prêtait donc une oreille favorable aux conseils intéressés de son entourage chinois, et cela avec d’autant plus de complaisance, que ces avis indigènes se trouvaient appuyés de ceux des Européens qui, également, entourent le dictateur.

Dans les derniers temps de l’empire tartare-mandchou, les diverses grandes Puissances s’étaient efforcées de mettre auprès du débile gouvernement chinois des hommes à elles, chargés, en dehors du monde diplomatique officiel, de suivre les mouvemens de ce vieillard décrépit, de soutenir ses pas chancelans et de les diriger dans le sens des intérêts de chacune de ces Puissances. Ces personnages portaient eux aussi le titre de conseillers.

Non seulement les gouvernemens, mais aussi les Puissances économiques, industrielles, financières, avaient leurs agens, installés dans la capitale, le plus près possible des détenteurs effectifs du pouvoir et entretenant avec eux des rapports suivis.

Yuen Chekai qui avait rempli, sous l’Empire, les fonctions de gouverneur et de ministre, s’était aperçu du parti qu’on pouvait tirer de cette situation pour entretenir des rapports utiles et fructueux avec le monde extérieur sans passer par les intermédiaires officiels ; aussi, dès son avènement, il se garda bien de congédier les anciens conseillers, il en augmenta le nombre au contraire, il en mit quelques-uns tout près de sa personne et se les attacha par d’énormes émolumens. Tandis que les Kouwenn chinois touchaient des soldes modestes de quelques milliers de piastres, les conseillers étrangers avaient, qui, cinquante, qui, soixante-quinze mille francs, ou plus encore.