serait extrêmement dangereux et parfaitement illogique. Au cours de la guerre on a, avec beaucoup de raison, fait de sérieux efforts en faveur de la fortune mobilière : on a affranchi d’impôt les Bons et les obligations de la Défense nationale, la rente 5 pour 100 émise au mois de décembre 1915 ; on a avancé aux Compagnies de chemins de fer les sommes nécessaires pour payer le coupon de leurs titres. Ce n’est pas dans l’intérêt des rentiers ni des obligataires que l’Etat a pris ces mesures, mais dans celui de son propre crédit, qui repose sur le maintien de la richesse publique. Or, qu’adviendra-t-il si une partie de cette richesse, celle qui alimente à la fois le budget du pays et celui des communes, est ébranlée dans ses fondemens ? Il est impossible que le Sénat méconnaisse la grandeur du problème qui se pose devant lui : il rétablira, dans la loi sur les loyers, l’obligation pour tous les locataires demandant une réduction de prouver leur indigence, et pour l’Etat d’indemniser les propriétaires, qu’il prive du droit de disposer librement de ce qui leur appartient. C’est là le minimum des corrections qu’il faut apporter au projet de la Chambre. S’il devait être maintenu dans sa teneur actuelle, une atteinte grave serait portée à notre état social ; elle aurait des conséquences auxquelles n’ont pas songé ceux qui ont voté l’ensemble des 57 articles de la Loi relative « aux modifications apportées aux baux à loyer par l’état de guerre. »
La petite industrie du bâtiment, par les corps de métier, charpentiers, maçons, peintres, menuisiers, serruriers, qu’elle groupe autour d’elle, retient encore, dans les villes et bourgs de province, toute une population qui constitue un élément essentiel de la vie locale, qu’il est si important de conserver et d’encourager. Le jour où ceux qui donnent du travail à ces nombreux artisans cesseraient de le faire, nous verrions s’accélérer encore le courant d’immigration dans les grandes cités qui est un des dangers du monde moderne. Des considérations de l’ordre politique le plus élevé se joignent donc à celles de l’ordre économique pour engager nos législateurs, pendant qu’il en est temps encore, à éviter l’écueil que nous leur signalons.
RAPHAËL-GEORGES LEVY.