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proportionnelle à la perte de revenu qu’ils subiront du chef de la loi actuellement en préparation ; on est ainsi obligé de diminuer les recettes publiques, parce qu’on a tari la source de recettes particulières. Au demeurant, le dégrèvement est insignifiant par rapport à la perte subie.

Pourquoi ne pas faire cesser au mois de juillet prochain le moratoire des loyers, de façon à rétablir le droit commun, en maintenant bien entendu des exceptions pour les mobilisés qui sont au front ? On s’occuperait ensuite de régler la question des termes échus depuis le commencement de la guerre ; les sacrifices imposés aux propriétaires leur sembleront moins durs si on leur rend pour l’avenir la libre disposition de ce qui leur appartient. Il nous semble que c’est dans cet ordre d’idées que devrait être recherchée la solution du problème.

Ce qui nous inquiète dans cet essai de législation, c’est à la fois l’atteinte portée aux principes et les répercussions, inattendues pour le législateur, qu’aurait la loi, si le projet voté par la Chambre était ratifié par le Sénat. Il ne faut pas être dupe des mots : ceux de propriétaire et de capitaliste ont le don de faire déraisonner de très braves gens qui ne se rendent pas compte de ce simple fait que toute l’organisation économique de notre société repose sur l’épargne.

Pour ne prendre qu’un exemple, aucune des entreprises qui fournissent en ce moment à la Défense nationale les armes, les munitions, les approvisionnemens dont elle a besoin, n’auraient pu se constituer sans elle. Or, les bâtimens destinés à l’habitation ne peuvent exister que là où le capital qui sert à les édifier est certain d’être protégé. Ces constructions sont beaucoup plus nécessaires aux travailleurs qui y sont logés qu’aux capitalistes qui y consacrent leurs économies, car ceux-ci peuvent trouver d’autres emplois, et ne sont pas nécessairement condamnés à acheter des terrains et à y entasser des moellons.

D’autre part, la propriété immobilière constitue un élément notable de la fortune nationale et, par suite, de la matière imposable. M. Ribot, au cours de la discussion, s’opposait à des combinaisons qui eussent grevé d’une façon excessive les propriétaires fonciers, parce qu’il voulait, disait-il, réserver leurs facultés contributives pour l’établissement de ses futurs budgets. Frapper de stérilité les milliards que représente un pareil domaine