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conditions déterminées, d’accorder résiliations et exonérations, mais à la condition que les débiteurs prouvent leur insolvabilité. On ajourne le problème des compensations à accorder aux créanciers. Plus tard, au cours même de la discussion, le gouvernement intervient de nouveau. Il considère qu’il n’est pas possible de laisser la porte ouverte à un nombre indéfini de procès qui vont surgir ; il exige que, pour la majorité des petits locataires, l’exonération complète soit la règle. En même temps, il veut régler la question du droit des propriétaires et propose de leur payer 40 pour 100 des loyers, dont moitié par l’Etat et moitié par les départemens. Ceux-ci protestent ; le ministère retire son offre, et il ne reste en fin de compte que la convention avec le Crédit foncier. En échange de l’abandon de leurs droits, les propriétaires reçoivent la faculté d’emprunter. Seuls, ceux qui n’ont que des ressources très limitées verront le Trésor se substituer à eux pour payer en totalité, ou jusqu’à concurrence de moitié, les annuités destinés à rembourser les emprunts faits par eux.

Les propriétaires créanciers de petits loyers qui ont un revenu de plus, de 6 000 francs seront, comme l’a fait observer M. Paul Leroy-Beaulieu, dans la situation qu’avait créée le décret de la Commune du 29 mars 1871 : ils perdront leurs droits vis-à-vis de leurs locataires pour tous les termes échus et à échoir jusqu’à six mois après la cessation des hostilités. Quant aux propriétaires de logemens qui ne rentrent pas dans la catégorie des « petits, » ils sont exposés à se voir imposer des réductions qui peuvent aller jusqu’à l’exonération totale. Ceux-là, du moins, ne sont pas dépouillés de prime abord : ils peuvent espérer dans l’équité des commissions arbitrales.

Certes, les propriétaires doivent prendre leur part des charges nationales et supporter, comme les autres Français, les conséquences de la guerre. Mais il est inadmissible qu’on les prive, même dans l’intérêt public, de ce qui leur appartient, sans leur donner une indemnité. Ils sont prêts à payer des impôts beaucoup plus élevés que ceux qu’ils payaient avant la guerre ; ils s’étonnaient même que la feuille du percepteur ne leur eût pas encore apporté l’avis de cette augmentation inévitable, qu’ils connaissent depuis quelques jours par le projet de loi déposé le 18 mai et contenant un programme de création de taxes nouvelles et d’élévation de droits anciens. Ils seront d’ailleurs dégrevés de la portion de la contribution foncière