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résultat obtenu n’aurait-il pas été douteux, malgré l’assurance qu’avait donnée le comte de Bismarck à M. Thiers en lui déclarant que « même si le gouvernement voulait faire des élections sans armistice, le gouvernement allemand lui donnerait toutes facilités ! »

Enfin, le jeudi 1er décembre, les Débats publiaient le rapport de M. Thiers concernant son entrevue avec le comte de Bismarck.

La lecture de ce rapport émut vivement François Buloz. Thiers était son ami, il admirait en lui l’infatigable travailleur, il admirait surtout l’homme qui se consacrait si passionnément au sauvetage de son pays : il écrivit tout de suite à Renan dans l’idée de le convaincre, toujours, et cette fois l’argument lui paraissait sans réplique.

« Rien ne me lassera, bien que vous ne me répondiez pas, pour vous faire revenir à une plus juste appréciation de l’atroce politique de la Prusse. Etes-vous convaincu, maintenant, après le rapport de M. Thiers, que le roi de Prusse et le parti militaire prussien, non M. de Bismarck, n’ont jamais voulu traiter sans Paris, et sans l’Alsace et la Lorraine ? Il faut donc nous revenir, vous ne pouvez persister dans vos premiers sentimens. Un homme de votre talent doit être avec nous, sur des questions fondamentales, pour notre pays [1].

De fait, le rapport de Thiers, très sobrement écrit, donne une impression frappante de grande vérité ; on y voit clairement notre bonne foi, et la fourberie de nos ennemis. On se souvient que le chancelier de la Confédération du Nord, « très courtois, » semble d’abord tout admettre et tout accorder, puis il feint de se montrer hésitant, gagne du temps [2], bref sur la question du ravitaillement de Paris, aborde, lui, la question des « équivalens militaires. » Thiers lui demande ce qu’il entendait par là ? »

— « C’était, dit-il, une position militaire sous Paris, » et comme j’insistais davantage, « Un fort, dit-il... peut-être plus d’un, peut-être... » — « J’arrêtai immédiatement le chancelier de la Confédération du Nord.

— « C’est Paris, lui dis-je, que vous me demandez. » Les

  1. Inédite, 1er décembre 1870.
  2. Le soulèvement du 31 octobre servit de prétexte à ses hésitations apparentes.