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IV

Il nous reste à parler d’un point essentiel, dont le premier projet de loi renvoyait la solution à une loi spéciale, celui des compensations à donner aux propriétaires. Lorsqu’en mai 1916, le garde des Sceaux déposa sur le bureau de la Chambre le nouveau projet, il déclarait qu’il suivrait la Commission dans la voie tracée par elle. « Mais, ajoutait-il, en présence de l’extension donnée au problème des loyers, on ne saurait éluder davantage la question que se pose l’opinion impatiente, qui domine tout le débat et qui, non résolue, risquerait de fausser les décisions des juridictions arbitrales : à qui incombe en droit la charge des exonérations ou des réductions accordées aux locataires ? qui, en définitive, en supportera le fardeau ? »

Le gouvernement reconnaissait alors les obligations contractées vis-à-vis des propriétaires, et il leur offrait la transaction suivante. Sur la promesse par eux de s’abstenir de toute action du chef des loyers arriérés contre leurs locataires, de leur donner quittance définitive du surplus, et de les maintenir en jouissance pour toute la durée des hostilités et des six mois qui en suivront la cessation, ils devraient être remboursés des deux cinquièmes des loyers dont ils auraient fait remise. Les départemens, avec ou sans le concours des communes, prendraient ces deux cinquièmes à leur charge. L’État participerait pour moitié aux dépenses consenties de ce chef par les départemens.

L’idée de faire contribuer le département pour un cinquième à l’indemnité prévue pour les propriétaires n’a pas été accueillie avec faveur par les Conseils généraux. Celui de la Seine, dans sa séance du 12 avril 1916, a pris la résolution suivante : « Considérant que le Département de la Seine et la Ville de Paris n’ont participé en rien au moratorium des loyers et ne sont aucunement responsables de la situation de fait créée par son maintien prolongé ; estimant que le soin de régler cette question et de supporter, le cas échéant, les charges qui peuvent en résulter, doit incomber exclusivement à l’Etat, invite le préfet de la Seine et le Bureau à faire, auprès des pouvoirs publics et de la Commission de la Chambre des Députés, les démarches les plus pressantes pour qu’aucune contribution concernant une indemnité quelconque à allouer aux propriétaires