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au secours que des locataires dépourvus de toutes ressources ; c’était en même temps consommer la ruine de ceux qui, victimes de la guerre, avaient été pour cette cause privés des revenus ordinaires de leur travail : ceux-là étaient exposés ou à perdre un capital nécessaire à la reconstitution de leur situation ou à subir, sur les fruits du travail de l’avenir et souvent pour un temps très long, des prélèvemens onéreux et injustes. »

Le projet, présenté par la Commission au mois d’août 1915, ne vint en discussion à la Chambre qu’au début de l’année 1916. Dans l’intervalle, une interpellation s’était produite au Sénat, où le président du Conseil avait été amené à faire, sur la question des loyers, des déclarations très nettes, qu’il résumait par les mots : « qui peut payer doit payer. » La résolution votée à l’unanimité par la haute Assemblée était ainsi conçue : « Le Sénat, convaincu qu’il est nécessaire de ne pas laisser croire plus longtemps à ceux que l’état de guerre n’a nullement affectés dans leurs intérêts, qu’ils pourront être déliés de leurs obligations et que les mesures qui permettront de se rapprocher progressivement du droit pour l’exécution des contrats sont seules susceptibles de sauvegarder la paix sociale et le crédit public, passe à l’ordre du jour. » La portée de ce texte était encore rehaussée par les paroles suivantes prononcées à la tribune du Sénat par M. Aimond, rapporteur général de la Commission du budget : « Pourquoi ne paye-t-on pas, alors que j’ai démontré d’une manière irréfutable qu’on pourrait payer dans les neuf dixièmes des cas ? C’est parce que malheureusement l’idée s’est répandue dans le monde des locataires que le législateur, dans une loi prochaine, que je considère pour ma part comme impossible, déciderait que les contrats de location ne seraient plus pour une partie que des chiffons de papier, et ordonnerait de piano, sans examiner les situations particulières, par un texte de loi générale, quelles que soient les facultés de ceux qui ont contracté, que des exemptions ou des remises de loyers fussent accordées par la loi. »

Dans son discours du 2 février suivant, M. Ignace répondit que la Commission de la Chambre n’avait jamais méconnu les principes invoqués par le Sénat, et défendit brillamment le projet déposé par elle depuis le mois d’août.

La discussion des articles se poursuivait au Palais-Bourbon, lorsque, le 3 mars, M. Viviani, garde des Sceaux, monta à la tribune