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mettre dans l’impossibilité d’en user et d’en jouir conformément à ses prévisions.

M. Ignace se fonde sur cet état de choses pour justifier l’intervention législative, en déclarant que le droit actuel est insuffisant. Le contrat de louage, dit-il, se distingue des autres contrats : ceux-ci constituent des conventions à effet immédiat et définitif, tandis que l’obligation du bailleur est successive, c’est-à-dire se prolonge pendant toute la durée du bail. « Le bailleur est obligé, » d’après l’article 1719 du Code civil, « de délivrer au preneur la chose louée ; d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. » L’article 1722 ajoute : « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut demander ou une diminution de prix, ou la résiliation du bail. » Mais l’obstacle à la jouissance du preneur, né de la position personnelle de celui-ci, et non de l’état de la chose louée, ne donne droit ni à la résiliation ni à la suspension du bail, ni à la réduction du prix du loyer. Le Code civil, dit le savant rapporteur, ne semble pas avoir prévu la guerre telle qu’elle est actuellement conduite.

En 1871, d’ailleurs, une loi promulguée le 9 mai organisa des jurys spéciaux qui étaient autorisés à accorder des délais ou même des réductions sur les prix des baux pour les deux derniers termes de 1870 et le premier terme de 1871. La réduction devait être proportionnelle au temps pendant lequel les locataires auraient été privés matériellement de la jouissance de tout ou partie des lieux loués ; ou, pour les locations d’un caractère industriel ou commercial, de la jouissance industrielle ou commerciale prévue par les parties. Le département de la Seine était autorisé à payer aux propriétaires de logemens dont le prix annuel ne dépassait pas 600 francs, une somme représentant le tiers de ce qui restait dû par le locataire pour les trois termes. Mais ce concours n’était accordé qu’au propriétaire qui consentait à son locataire la remise définitive du surplus et promettait de le maintenir en possession jusqu’en juillet 1871. L’État participait pour un tiers dans les paiemens du départe, ment, jusqu’à concurrence d’un maximum de 10 millions de francs.

Le Code civil, disait M. Ignace dans son discours du 3 février,