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de la propriété privée, sur laquelle repose tout notre état social.

La question des loyers a suivi une évolution qui s’explique par les variations de l’opinion au sujet de la durée de la guerre. Au début, alors que l’idée d’une campagne de quelques mois au maximum était répandue, on crut que le règlement par voie de décrets suffirait à organiser une situation provisoire. Quand, après une série de moratoires reculant la difficulté sans la résoudre, il apparut que d’autres remèdes devaient être cherchés, la Chambre considéra qu’une loi devenait nécessaire. Dès la fin de 1914, des propositions émanées de l’initiative parlementaire virent le jour et se multiplièrent sans répit ; au milieu de 1915, le gouvernement se décidait à déposer deux projets concernant la résiliation, par suite de la guerre, des baux à loyer, et les loyers échus pendant la guerre. Ces textes ont servi de base aux études de la commission de législation civile et criminelle ; des avis ont été formulés au nom de la commission du budget et de la commission du commerce et de l’industrie : une partie des séances de la Chambre, au cours des quatre premiers mois de 1916, a été consacrée à la discussion du projet, qui avait donné lieu à deux rapports remarquables de M. Edouard Ignace, député de Paris, et qui a été voté finalement le 22 avril 1916, après avoir subi, sous certains rapports, de notables modifications.

Nous rappellerons d’abord les origines de la question, qui remontent aux premiers jours de la guerre, alors que, en présence du bouleversement général des esprits, on eut recours à une série de moratoires, c’est-a-dire d’ajournemens des dettes ; nous exposerons ensuite la genèse du projet actuel ; puis nous l’analyserons tel qu’il est sorti des délibérations de la Chambre ; dans une dernière partie, nous essaierons de le juger.


I

Le 4 août 1914, le gouvernement avait été autorisé par le Parlement à prendre, dans l’intérêt général, par décret en Conseil des ministres, « toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’exécution ou suspendre les effets des obligations commerciales ou civiles, pour suspendre toutes prescriptions ou péremptions en matière civile, commerciale et administrative,