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LE TROISIÈME CENTENAIRE
DE
CERVANTES

L’Espagne vient de célébrer le troisième centenaire de la mort de Miguel de Cervantes, décédé à Madrid le 23 avril 1616, le jour même où s’éteignait à Stratford-sur-Avon son émule William Shakspeare. Est-ce cette curieuse coïncidence qui a décidé les Espagnols à se livrer à une nouvelle apothéose de leur plus grand écrivain, qu’ils avaient déjà fêté très copieusement en 1905, lors du troisième centenaire du Don Quichotte ? Cela semble peu probable. D’autres motifs malaisés à discerner nous ont donc valu la fête de cette année, qui, à un intervalle si rapproché, ne pouvait guère offrir qu’une copie atténuée de la première : onze ans ne suffisent pas pour renouveler un sujet. En 1905, écrivains notoires, érudits de toute taille, hommes politiques, militaires, marins, médecins et criminalistes avaient abondamment parlé et écrit ; plusieurs avaient même, comme on dit, vidé leur sac jusqu’au fond. L’Espagne, pendant quelques mois, fut comme submergée par une inondation de papier noirci, au profit de Cervantes ou à son détriment. A côté de travaux fort recommandables et d’heureuses trouvailles de nature à éclairer l’homme et l’œuvre, on vit surgir un trop grand nombre d’improvisations ou de fantaisies sans portée, qui ont inutilement grossi la liste déjà imposante des écrits antérieurs sur le grand Miguel, dressée dès 1895 par