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elle se trouve à imposer ses méthodes et ses volontés aux Neutres comme aux Alliés. Il en résulte que l’ascendant moral, complément de la supériorité guerrière, passe tout entier dans le camp des Alliés : les conséquences s’en font certainement déjà sentir chez nos ennemis et ne peuvent que s’aggraver de jour en jour. Cet ascendant moral s’est maintenu chez nos ennemis jusqu’aux derniers événemens par ce fait que les Impériaux semblaient avoir toujours le monopole et l’initiative des attaques et de l’offensive. Et l’on comprend qu’ils cherchent toujours à en imposer par des manifestations réitérées de leur force offensive. Mais elle s’épuise, et les temps sont proches où ils subiront à leur tour la volonté de l’offensive alliée.


Il nous reste maintenant à examiner comment l’offensive générale peut être exécutée et dans quelles conditions stratégiques et tactiques elle aboutira d’abord au recul, puis à la dislocation des armées impériales.

On ne peut comparer stratégiquement cette offensive générale, tout au moins dans son mouvement initial, à l’offensive allemande de 1914 et à la contre-offensive française de la Marne, pas plus qu’aux premières batailles de Galicie et de Pologne. En août et septembre 1914, les armées firent ce que les doctrinaires militaires appelaient la guerre en rase campagne et la guerre de mouvement. Les plans stratégiques s’y déployaient dans toute l’ampleur des marches et des manœuvres sur de vastes espaces, et les batailles gardaient leur caractère ancien, à cela près qu’elles mettaient aux prises des millions d’hommes et se prolongeaient pendant plusieurs jours, au lieu de se dérouler entre un lever et un coucher de soleil. Puis la guerre se mua en guerre de positions, et le sol fouillé à des profondeurs de plus en plus grandes, raviné de tranchées et de boyaux, hérissé de fils de fer barbelés, bouleversé et chaotique sous le labourage des obus et l’explosion des mines, devint l’obstacle infranchissable devant lequel les lignes de fusils et de mitrailleuses se guettent à quelques mètres de distance. Le siège commença de part et d’autre et imposa la transformation des méthodes tactiques. Il fut reconnu que l’infanterie ne pouvait aborder et enlever ces boursouflures perfides et meurtrières, qui constituent les lignes successives de tranchées,