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régions industrielles, l’usine de guerre qui doit lui fournir les forces de destruction, dont un ennemi formidablement outillé et préparé a cru accabler son imprévoyance. Toute notre métallurgie se modifie, s’élargit, s’adapte à l’œuvre de salut public. Des canons, des munitions ! le mot d’ordre est donné à l’atelier national. Il faut des canons de tous calibres, des mitrailleuses, des grenades, des engins de tranchées, des projecteurs, des explosifs, des armes, des munitions, en quantités de plus en plus extraordinaires. Car l’usine de guerre allemande prend des proportions formidables. Le plan de l’Allemagne a été déçu, enrayé, mais elle le poursuit avec une âpreté croissante, elle entraîne dans la lutte d’autres Etats, pour ou contre elle. Ses offensives répétées sur le front oriental donnent la mesure de la puissance de sa production matérielle et du sens impitoyable qu’elle veut donner à la lutte.

A l’exemple de la France, l’Angleterre adapte lentement aux nécessités impérieuses de la guerre la plus grande partie de sa supériorité industrielle. Il lui faut du temps, elle a tout à apprendre et à changer dans ses institutions et dans ses méthodes pour faire face à la plus imprévue et à la plus tragique des vicissitudes de son histoire. Et la France et l’Angleterre doivent tout d’un coup fournir le matériel à la Russie. Il faut aussi pourvoir à la détresse de la Serbie. Avec l’aide de l’iudustrie japonaise, tout est réparé en Russie, malgré qu’il y reste encore des traces de la funeste corruption allemande. A l’heure actuelle, on peut enfin affirmer que les Alliés ont résolu le problème, si chargé d’inconnues il y a encore quelque temps, de s’assurer la supériorité du matériel en quantité et en qualité. Les lecteurs de la Revue nous pardonneront de ne pas insister davantage sur cette question et de ne pas leur parler des gaz asphyxians et délétères, des jets de pétrole enflammé, et de tous ces procédés d’une barbarie atroce introduits par les Allemands dans le combat. Nous y répondons peut-être avec trop de ménagemens ! Nous avons l’âme trop éprise d’humanité, trop chevaleresque, trop sensible. Il faudra bien pourtant rendre coup pour coup.

A la guerre terrestre s’est superposée la guerre aérienne. Là encore, les Allemands avaient pris, dès le début, une certaine supériorité, plutôt tactique que technique. Si l’aviation, après les sensationnelles expériences de Wilbur Wright, au camp