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se soit jetée dans une guerre en apparence inutile, dont elle ne pouvait attendre aucun profit supérieur à ce qu’elle tenait déjà ! Le voile se lève peu à peu sur cette mystérieuse et effroyable démence, sur ce mal de l’esprit qui a frappé le cerveau allemand... pour le salut de l’Europe et de l’humanité !

Nous ne pouvons rappeler que sommairement les élémens de cette supériorité matérielle qui renforçait au plus haut degré la supériorité du nombre et de l’organisation militaire : l’artillerie lourde de tous calibres, les mitrailleuses, l’aviation, les automobiles, les sous-marins, les gaz asphyxians, etc.

Tout le monde sait aujourd’hui la disproportion d’artillerie lourde qui existait entre l’Allemagne et ses adversaires. L’efficacité et la mobilité de ces pièces à grande portée et à gros projectiles avaient été l’objet de nombreuses polémiques et controverses. Nous venions cependant d’adopter en France un programme de réfection de notre matériel. Les Allemands avaient déjà réalisé le leur, et ce fut sans doute une des raisons pour lesquelles, ayant l’avance certaine sur ce point, ils ne voulurent pas attendre plus longtemps l’occasion. Les premières batailles parurent confirmer la puissance de cette artillerie nouvelle, jusque là réservée aux places fortes et aux sièges. Les obusiers légers de 105, les obusiers lourds de 150, les mortiers de 210, accompagnaient les corps d’armée, grâce à la traction automobile. Et les avalanches de projectiles de tous calibres qui précédaient comme des avant-gardes de fer et de feu les colonnes allemandes, firent fléchir au début nos troupes surprises et notre admirable 75. A cette artillerie, copieusement approvisionnée, prodigue de ses obus, s’ajoutaient des engins plus petits, mais encore plus meurtriers et impressionnant, les mitrailleuses, véritables canons d’infanterie, transformant en zone de mort impénétrable tout le terrain battu par leurs rafales précipitées. Les Allemands les avaient multipliées et en avaient pour ainsi dire fait la base de leur tactique d’infanterie. Nous avions aussi des mitrailleuses, supérieures même techniquement aux mitrailleuses allemandes, mais dans le rapport d’une contre trois, et il régnait encore dans notre armée une certaine indécision, presque du scepticisme, sur leur emploi. Les théories très entraînantes de l’offensive à outrance, de l’assaut à la baïonnette, seuls déterminans de la victoire, avaient illusionné notre belle et ardente infanterie sur les difficultés de l’attaque